AIR FRANCE  dans le lagon de Tahiti
 
 

A 21h 06 le dimanche 12 septembre 1993 soit lundi 9h 06 en France, à l'atterrissage sur la piste de TAHITI  FAAA, le B 747-400 d'Air France immatriculé  F-GITA en provenance de Los Angeles quitte l'axe de piste, roule sur le terre-plein avant de commencer à plonger dans le lagon. L'avion s'arrête sur la barrière de corail juste au bord de la passe profonde. Le train avant transperce le plancher de la cabine de 1ere classe, pulvérisant plusieurs sièges.

L'atterrissage s'était déroulé à une vitesse trop élevée suite à un conflit entre les automatismes de l'avion et le copilote aux commandes. Au touché, l'avion avait trois moteurs au ralenti , alors que le quatrième, le n°1, était à pleine puissance. Les spoilers ne se sont pas déployés et le système de freinage automatique s'est désarmé. La reverse ne s'est ensuite enclenchée que sur 3 moteurs.

L'ILS était en panne et l'avion avait fait son approche en VOR-DME.

L'évacuation se déroule de nuit, dans moins d'un mètre d'eau, mais parmi les pâtés de corail et les oursins et avec le moteur n°1 toujours en fonctionnement. Officiellement, seuls trois passagers sont légèrement blessés dans l'évacuation, mais le corail et les oursins en ont envoyés bien d'autres se faire soigner à l'hôpital.

L'avion sera réparé sur place et reprendra du service non sans que les équipages ne le baptise GITA...NIC.

 

Avis du BEA sur l'accident du B 747-400 F-GITA le 13 septembre 1993 à Tahiti-Faaa

(résumé) le rapport complet est  ICI (1,6Mo en pdf)

L'équipage effectue à vue avec confirmation aux instruments une approche VOR-DME avec directeur de vol engagé et auto-manette active en mode VNAV (navigation verticale).

Le suivi de trajectoire est assuré manuellement par le copilote (pilote en fonction), tandis que l'auto-manette gère la vitesse.

Comme prévu par la logique du mode actif du système automatique de vol, celui-ci déclenche une remise de gaz automatique en arrivant au point End of Descent (situé à 2,3 Nm du seuil de piste) et le signale au niveau du FMA (partie supérieure du tube cathodique Primary Flight Display).

Le pilote non en fonction annonce le changement de statut de mode au FMA, sans commentaires ou analyse.

L'avion passe au dessus du plan et la vitesse augmente (elle atteindra Vref + 35 kt à une hauteur de 150 pieds). Le pilote aux commandes ramène et maintient au ralenti les manettes de gaz; il a indiqué avoir senti que les manettes "tiraient vers l'avant" et avoir essayé de déconnecter l'auto-manette mais n'avoir pas trouvé le bouton d'instinctive disconnect situé sur les manettes

Suite à une remarque du commandant de bord sur la vitesse excessive, le pilote aux commandes répond par une phrase embrouillée sans référence à son problème avec les manettes des gaz, et il poursuit l'approche en maintenant toujours les manettes en position ralenti.

Environ 2 secondes avant le toucher, la manette des gaz n° 1 lui échappe, l'auto-manette étant toujours active en mode Go Around. La manette n. 1 et la poussée du moteur n° 1 partent vers la pleine poussée positive, où elles resteront jusqu'à l'arrêt de l'avion, sans que l'équipage s'en aperçoive.

En conséquence, à l'atterrissage, les spoilers ne sortent pas, l'auto brake se désarme, et il y a une forte dissymétrie de poussée.

L'avion sort de piste et termine sa course dans le lagon, sans dommages corporels.

 
 

Voici la retranscription officielle des dernières minutes

de vol enregistrées  par le CVR depuis l'altitude de 1000 pieds.

Le F-GITA dans toute sa splendeur. Affecté sur la ligne Paris-Papeete via Los Angeles avant l'accident

L'accident a eu lieu de nuit, mais les pompiers déjà en alerte au bord de piste sont arrivés sur les lieux dans un temps record. Ils ont mis aussitôt une vedette à l'eau qui a pu recueillir une cinquantaine de passagers. Les boîtes noires ont été tout aussi rapidement sorties de l'avion et leurs numéros relevés devant témoins.

 

 

Ce n'est que le lendemain matin qu'on constate l'étendue des dégâts et la catastrophe évitée de justesse. L'avion d'Air France devient une curiosité, une attraction locale et un but de promenade pour les bateaux.

A l'arrêt de l'avion, les lumières se sont éteintes et les passagers ont du attendre plus d'1/4 d'heure sur leurs   sièges que l'équipage se décide à donner l'ordre d'ouvrir les portes et d'évacuer par les toboggans.

 Un quart d'heure, que ça a du paraitre long !

On distingue bien sur ce cliché la zone profonde du lagon au bord de laquelle le GITA s'est arrêté. Quelques mètres de plus et l'avion disparaissait dans plusieurs mètres d'eau.

L'avion ne bloque pas la piste, comme on le voit ici. Avec quelques restrictions, le trafic a repris dès le lendemain, mais, a prévenu l'aviation civile pour se couvrir, aux risques et périls des compagnies aériennes.

  

Notez que la reverse du moteur n°1 n'est pas déployée. Elle est la cause de l'embardée de l'avion.

 
 

 

A Tahiti, l'humour ne perd jamais ses droits et on parlera encore longtemps de l'arrivée directe dans le lagon de ces touristes bien chanceux de s'en être tiré à si bon compte.

 

       
 
           

Il faut renflouer l'épave à présent. Dès le lendemain, un avion spécial d'Air France arrive de Paris. Une digue et une plate-forme sont construites afin de soulever et dégager le nez de l'avion des coraux où il s'est encastré.

 
 

 

 

 

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Le train avant détruit nécessite de construire une plate-forme à roulette capable de supporter les quelques 200 tonnes de l'avion vide pour le faire rouler hors de l'eau.

Il a fallu ensuite utiliser les grands moyens pour tirer et mettre le "GITA" au sec.

 
 

Un hangar de toile est monté sur une aire dégagée de l'aéroport pour abriter l'avion. Commence alors le démontage de toutes les parties abimées ou imbibées d'eau de mer pour établir un bilan. Après quelques jours, le constat est établi: on répare. Les pièces sont commandées à Boeing.

 
 

Deux mois après l'accident, au début novembre, un Antonov 124 va apporter les pièces les plus importantes, comme la partie inférieure du fuselage écrasée dans le choc. 97 tonnes de matériels venus de Seattle. Ce sont ensuite 94 techniciens de Boeing qui vont débarquer pour procéder à la réparation par équipe de 2 X 12h durant deux mois.

 

Nouvelles infos

Un acteur au cœur de cette réparation à Tahiti a diffusé récemment ses photos personnelles sur le forum d'un site Aéro que je ne nommerai pas puisqu'il ignore systématiquement les infos et les documents diffusés sur ce site www.crashdehabsheim.net . Attitude stupide s'il en est alors qu'il n'y que complémentarité et que de nombreux jeunes passionnés d'aviation cherchent des infos introuvables ailleurs.

Cela dit, saluons ici notre correspondant inconnu de Tahiti et remercions le pour ses photos. Voici son commentaire live:

"Il est "allé au bain" le dimanche 12 septembre 93 à 21H05 locales...
Sorti de l'eau le dimanche matin suivant...
Vol de contrôle avec les pilotes d'essai Boeing et celui d'AF qui était "Officier de marque" plus d'autres gens d'AF le 2 janvier 94 à 8h02...
Départ vers la Métropole le 4.
Le séjour "au hangar" à CDG un peu long était motivé par la nécessité de refaire entièrement la cabine et aussi... Une petit coup de pinceau... Au départ d'ici ( de Tahiti), ça évoquait (à part les couleurs) plus une toile de Mondrian qu'un avion AF... (voir photo du décollage).
Les travaux à PPT ont avancé et se sont terminé plus vite que planifié.
Une grosse journée a été perdue dans la dernière semaine car la configuration de l'informatique de bord s'est révélée... Pénible! (Non... Ce n'était pas mon ADSL de m....)
Celle-ci s'est faite à partir d'un ordinateur portable alors qu'en usine... Ils ont un "gros" matos!
Le "parking" qui avait été construit, en une semaine, pour l'occasion sert toujours... Parking pour les avions de passage ou les avions de Pil quand il en a trop sur les bras... (ou les avions en panne, aussi...).
Le "hangar" (l'espèce de grande tente blanche) avait été "imaginé" par nos petits génies... Qui avaient pris une grande tente et rajouté des béquilles... Le dispositif, qui avait été ramené de Métropole, a été vendu sur place.
Pour info... Les équipes AF & Boeing qui ont bossé dessus étaient les mêmes qui avaient "ressuscité" les 747 AF à Dehli. Ils se connaissaient bien et s'entendaient parfaitement.
Les techniciens américains travaillaient... en 2 x 12... Une équipe de 6H à 18H et l'autre de 18 à 6H...
Et personne n'avait l'air de se plaindre!
On leur a fait gouter la  hinano. Ils sont repartis avec une provision!"

 

Construction de l'abri pour réparer le GITA. La dérive a été démontée par précaution

Gros plan sur les dégâts sous le fuselage

  
 

Réparé, le F-GITA repart vers la métropole le 4 janvier 1994

Arrivé à CDG, il va être inspecté de fond en comble, reconfiguré et remis en peinture. Une série d'opération qui va prendre un an.

 

De longs mois plus tard, le F-GITA, rebaptisé GITANIC par les équipages, va reprendre du service sur la route du Pacifique sud: Paris - Los Angeles - Papeete

 

La fin!

En avril 2010, Air France qui a réceptionné des B 777 tout neufs décide de se séparer du F-GITA qui est repeint en blanc pour aller rejoindre lors d'un dernier vol un centre de démantèlement en Grande Bretagne. Les B 747-400 ne sont plus rentables!

Triste fin pour un avion qui a fait voyager des milliers de passagers vers le pays de leurs rêves