La Caravelle du drame F-BOHB
Il est 10
heures 30 ce 11 septembre 1968 quand, alors que la première partie
du trajet reliant l'aéroport d'Ajaccio à celui de Nice s'était
déroulée sans encombre et que l'avion commençait sa descente,
retentirent ces quelques mots tragiques dans les écouteurs du
contrôle aérien de Marseille : "on a... des ennuis...".
L'équipage de l'aéronef SE 210 Caravelle-III F.B.O.H.B de la
compagnie Air France est confronté à un problème de taille, problème
dont l'issue sera fatale au 6 membres d'équipage et aux 89
passagers.
Le dénouement est rapide, après avoir confirmé son message,
l'équipage informe le sol de la nature de l'incident, il y a le feu
à bord. Le contrôle aérien autorise alors l'avion a quitter sa route
initiale pour une route directe et prioritaire à destination de
Nice.
Hélas, cette fois les écouteurs restent désespérément silencieux,
pas de réponse, un dernier écho radar vers 10 heures 33 reste sans
suite ce qui vient confirmer le drame : l'avion s'est abîmé en mer
alors qu'il se trouvait encore à 22 milles nautiques de Nice.
Les secours aériens et maritimes sont immédiatement alertés et se
rendent sur la zone présumée du crash mais la météo et
l'inexactitude des renseignements collectés rendent difficile sa
localisation précise.
Ce n'est donc que vers 12 heures 22 que seront découverts les
premiers débris, ils viennent confirmer les craintes : il n'y a
aucun survivant, l'avion est totalement détruit.
La conduite de l'enquête :
Les moyens maritimes présents sur le lieu du crash entament la
récupération des corps sans vie, et procèdent au repêchage des
débris à la surface, cela durera plusieurs jours. Ils procèdent de
même au relevé des constatations d'usage en matière d'accident
aérien, puis les débris sont expédiés à Paris où un laboratoire
technique est chargé de leur expertise.
Durant 3 jours, à compter du 18 septembre, la commission d'enquête
constituée suivant l'arrêté ministériel du 12 septembre va élaborer
un plan d'action qui prévoit notamment la récupération des
différentes parties de l'avion qui ont sombré au large du cap
d'Antibes entre 2.200 et 2.300 mètres de profondeur.
On prévoit ainsi l'utilisation d'un bathyscaphe, l'Archimède, mais
comme il n'est pas disponible avant la fin avril 1969 on se rabat
sur une récupération par dragage du fond.
Le 12 novembre 1968 a lieu la première tentative de repêchage, la
mission durera jusqu'au 30, mais sera infructueuse bien que la
technique utilisée ait démontrée sa pertinence. Les raisons de
l'échec tiennent essentiellement au fait qu'il n'est pour l'instant
pas possible de déterminer précisément la zone qui regroupe les
débris de la Caravelle.
En décembre, la thèse d'une destruction de l'appareil après mise en
action d'un engin explosif semble devoir être écartée, d'autant que
cette hypothèse est réfutée par 4 laboratoires dont un étranger.
Seule une récupération massive des débris immergés pouvant alors
permettre la détermination exacte des causes de l'accident, il est
décidé d'une nouvelle campagne de dragage pour les mois de mars et
avril 1969. Le bathyscaphe, lui, ne sera toujours pas disponible.
Une campagne de localisation doit être effectuée entre temps, dans
le but de favoriser le succès des futures opérations de chalutage
des débris qui reprendront le 23 mars.
Le 28 et pour la première fois, sont hissés à bord des pièces
légères de l'aéronef, les passages suivants conduisent à une
localisation précise de la zone sous marine.
Ces opérations cessent le 31 mars pour reprendre le 11 avril mais
alors seules quelques pièces de taille modeste sont récupérées, la
plongée de l'Archimède, enfin arrivé sur les lieux, n'y change rien.
Il fut décidé d'une troisième tentative pour la fin de l'année 1969
dans le but de récupérer les parties "parlantes" nécessaires pour
l'enquête, c'est-à-dire des morceaux de fuselage et les réacteurs de
l'appareil.
La météo désastreuse empêcha néanmoins le bon déroulement de la
mission et sur accord du ministre des transports une nouvelle
mission fut fixée à la fin de l'année 1970 puis reportée au mois de
mars 1971.
Cette quatrième et dernière campagne de dragage fut la plus
fructueuse et nombre de pièces qui furent remontées à cette occasion
servirent à étayer le rapport final.
Il fut ainsi remonté au cours de ces différentes campagnes près de
10 tonnes de débris.
Les causes de l'accident :
Si la survenance d'un incendie ayant provoqué la fin tragique des 95
vies ne fait aucun doute, les causes du feu sont sujettes à
discussion, voici la thèse officielle.
Nous l'avons dit plus haut, le rapport final ne retient pas la thèse
d'une destruction causée par l'explosion d'un éventuel engin (bombe
ou missile), il ne retient pas non plus la défaillance éventuelle
des aides à la navigation.
La taille apparente du point d'impact tout comme l'examen postérieur
des débris laisse comprendre que le choc entre l'aéronef et la
surface de l'eau a été extrêmement violent (un quasi piqué), de
nombreux débris portaient en outre des traces de combustion ce qui
vient confirmer la présence de feu à bord avant l'impact.
L'examen de la surface d'envol ne montra aucun signe permettant de
penser que le feu avait été provoqué soit par l'éclatement d'un pneu
soit par la percussion d'avec un objet.
La reconstruction partielle de la zone du fuselage où était supposée
avoir débuté l'incendie prouva que celui-ci avait pris à l'arrière
de l'appareil entre la cabine passager et l'avant du cône de queue,
il fut particulièrement violent au niveau des toilettes et semble,
en outre, ne spas s'être propagé au reste de l'appareil.
Seul élément troublant ont été retrouvés des éléments d'armes à feu
dans les toilettes situées à l'arrière droit, partie de l'avion qui
a retenu particulièrement l'attention des membres de la commission
d'enquête.
Après de multiples tests et examen, la commission parvint à la
conclusion qu'en "deux zones bien définies, une très forte élévation
de température" a laissé des marques de brûlures sur le tapis de sol
mais nul agent chimique n'y a été décelé.
Revenons à présent aux munitions qui ont été retrouvées à cet
endroit, la commission réfute tout rapport entre leur présence et la
chute de l'avion.
La thèse officielle :
La commission conclut au fait que l'avion a violemment percuté la
surface de l'eau alors qu'il se trouvait encore d'une pièce et donc
alors que l'arrière de l'aéronef ne subissait visiblement aucune
avarie structurelle majeure dans les instants qui ont précédé le
crash.
Pour les membres de la commission, l'accident est dû en définitive à
un départ de feu dans la partie arrière droite de l'appareil,
provoqué peut-être par le jet d'une cigarette dans le panier de
récupération des toilettes arrières.
L'incendie s'étant par la suite propagé à la cabine des passagers et
n'ayant pu être maîtrisé (NDLR : les extincteurs ont été retrouvés
fixés à leur place), il a provoqué une perte de contrôle et le crash
extrêmement violent de l'avion en mer, la cause de cette perte de
contrôle reste pour la commission indéterminée, elle tient soit à
l'évanouissement des pilotes après inhalation de gaz toxiques, soit
à l'envahissement de la cabine de pilotage par les passagers qui
fuyaient l'incendie.
Pour d'autres la vérité est ailleurs et doit être recherchée du côté
de l'armée, c'est la thèse du missile.
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40 ans plus
tard: 11/9,
un autre anniversaire
extraits du
livre "secret d'état"
Le 11 septembre 1968 disparaissait au large d’Antibes
la « Caravelle » d’Air France en provenance d’Ajaccio faisant 95
morts dont 10 enfants.
Depuis 40 ans, les familles cherchent à savoir pourquoi et
comment. Seules, éconduites voire menacées par la justice ou
l’armée après leur multiples demandes, elles contestent les
conclusions officielles d’un feu dans les toilettes.
Un livre vient de paraitre qui réactive la thèse du missile
militaire égaré, jamais écartée d'ailleurs par les familles.
40 ans après les faits, il est bien difficile d’y voir clair
après les travaux de la commission d’enquête technique qui a
conclut à un feu à bord d’origine indéterminé, trois juges
d’instruction dont le dernier a prononcé un non-lieu et
l’institution militaire plus que réticente à évoquer ses
activités ce 11 septembre 1968.
Mais l’intérêt de revenir sur cet accident tient surtout à la
manière de réaliser une enquête dont on avait fixé les
conclusions à l’avance puisqu’il fallait innocenter l’Armée et à
une institution judiciaire, ignorante de l’aéronautique et aussi
peu curieuse que possible.
....Comme un prélude à d’autres enquêtes 20 ans après. Certaines
carrières avaient d’ailleurs commencé là.
Et l’on découvre dans ce livre que ni les gendarmes ni les
policiers n’ont pris de photos des débris ramenés à la surface,
que la commission d’enquête travaillait quasi uniquement avec le
constructeur et la compagnie aérienne, rarement avec la police
et encore moins avec la justice, laquelle sera tenue dans
l’ignorance de ses travaux. Et cette même commission qui accepte
comme vérité première les informations données par l’armée, sans
jamais vérifier ni interroger les généraux ou le ministre, au
dessus de tout soupçon.
Les coordonnées du point de chute enregistrées par les radars ne
sont divulguées que tardivement.
Un expert dont en entendra beaucoup parler plus tard, RA, qui
sait, mais qui refuse de parler. (Il pourra ainsi continuer
d'œuvrer pour le succès de l'aviation française!)
Et ces pilotes en activité qui affirment que c’est bien un
missile qui a abattu la Caravelle, et que même « c’est un secret
de polichinelle » dans les milieux de l’aéronautique, mais qu’il
fallait surtout le taire.
Des juges qui n’ordonneront aucune expertise ni n’entendront de
témoins et qui refuseront de tenir les familles des victimes au
courant de l’enquête.
Et bien d’autres choses étonnantes, voire caricaturales.
Bien des années plus tard, certains acteurs du drame avouent sur
leur lit de mort que c’est bien un missile égaré qui a tué 94
personnes en abattant la Caravelle.
En conclusion, cette opinion d’un acteur anonyme et toujours
applicable à propos des spécialistes venus de Paris : "Des gens
qui n’ont pas de pouvoirs, des fonctionnaires. Si on leur dit de
fermer leur gueule, ils la ferment."
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L'ouvrage évoqué
est paru le
11/9/2008
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Voici une
information supplémentaire glanée dans mes archives:
En octobre 1971, en
réponse à la question d'un parlementaire, le Ministre d'Etat
chargé de la Défense Nationale a rappelé que "l'enquête a
été conduite dès le début par le S.G.A.C. (Secrétariat
Général de l'Aviation Civile) avec la collaboration de la
défense nationale. C'est grâce à elle que des opérations de
chalutage à grande profondeur (2300 m) ont pu être
effectuées avec succès et ont permis de ramener à la surface
plusieurs tonnes de débris de l'épave parmi lesquels
figurent des balles de 9 mm.[...]"
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Un épisode qui en dit long sur la
transparence de la "Grande Muette"
Le 11 septembre 1968, au moment où
la caravelle d'Air France survole la Méditerranée, des
opérations militaires ont lieu en mer et dans les airs. Deux
Mystère IV, en particulier, procèdent à des essais de tirs
de missiles. C'est la raison pour laquelle, dans une liste
de questions adressées au ministre de la Défense, le 9
janvier 2004, les frères Paoli qui représentent un collectif
de 35 familles demandent d'avoir accès aux nombreux
documents relatifs aux opérations militaires en cours ce
jour-là. Les deux responsables du collectif des victimes ont
été reçus au ministère de la Défense le 12 octobre 2004. De
hauts responsables militaires leur ont remis divers
documents classés Secret-Défense : « nous pensons que ces
documents étaient triés de même que ceux que nous expédient
les autorités militaires aériennes et maritimes », estime
Louis Paoli.
Dans un courrier en 2004, la ministre de la défense Michelle
Alliot -Marie précisait : « l'accident de la caravelle ne
peut être imputable aux forces armées, qu'il s'agisse de la
marine, de l'armée de l'air ou de la Délégation générale de
l'armement ou de toute autre force ou unité. En effet,
écrivait-elle, le Centre d'essai de la Méditerranée de l'île
du Levant n'a procédé à aucun essai de tirs de missile entre
le 26 juillet et le 23 septembre 1968 ». Fermez le ban! |
La sœur jumelle de la Caravelle du drame F-BOHB
Le poste de pilotage de la Caravelle
Une autre Caravelle d'Air France
L'escalier arrière et les 2 moteurs
La frégate "Suffren" où on note les
lance-missiles "Masurca" sur la plage arrière.
Les "Masurca" installés sur leur rampe et un tir d'exercice d'un Masurca
Chaque année à Nice se déroulent des cérémonies
du souvenir en mémoire des victimes
Quelques repères pour en savoir plus:
Le rapport final du BEA (pdf 8,9 Mo)
http://www.francesoir.fr/societe/2008/09/17/caravelle-du-vol-ajaccio-nice-l-autre-11-septembre.html
http://www.nicerendezvous.com/FR/NICE-AJACCIO-LA-CATASTROPHE-DE-LA-CARAVELLE-n-1439.html
http://corsematin.blogspot.com/2007/09/anniversaire-recueillement-et-motion-39.html
Le 22
septembre 2008, dépôt d'une
plainte 40 ans après le crash
Rebondissement dans l'affaire du crash de la Caravelle
Ajaccio-Nice. Des proches de victimes viennent de déposer
une plainte contre X avec constitution de partie civile au
tribunal de grande instance de Nice. Les familles des
passagers morts dans cette catastrophe aérienne n'ont jamais
cru à la version officielle qui avait conclu à un départ de
feu suivi d'une perte de contrôle fatale à la Caravelle.
Détenteurs de nouveaux témoignages recueillis ces
derniers mois, les proches des victimes soutiennent la thèse
d'un tir de missile sol-air qui aurait accidentellement
détruit l'avion. «Nous ne cherchons ni sanction, ni
réparations pécuniaires, juste la vérité», expliquent les
frères Louis et Mathieu Paoli qui se battent depuis des
années pour que la justice rouvre ce dossier. |
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