Un avion du Club Med s’écrase au Sénégal :
LA MORT AU BOUT DU VOYAGE
Au moins trente personnes, pour la plupart de nationalité
française, ont trouvé la mort dimanche alors qu’elles se
rendaient dans le village de vacances de Cap Skirring
TRENTE morts et vingt-six blessés, certains très grièvement. Le
bilan, encore provisoire hier en fin d’après-midi, de l’accident
d’un avion affrété par le Club Méditerranée pour assurer la
liaison Dakar/Cap Skirring survenu dimanche matin est lourd.
L’appareil, un Convair de la
compagnie gambienne
Gamcrest,
sous-traitante d’Air
Sénégal,
transportait 50 clients du Club Méditerranée, dont 48 Français
et 6 membres d’équipage. La plupart d’entre eux étaient partis
de Paris samedi vers 22 h 30 sur un vol d’Air Liberté et étaient
arrivés à Dakar dimanche à 2 heures.
En raison du monopole de
pavillons sur le territoire du Sénégal, les passagers avaient
été transférés dans un autre avion pour terminer leur voyage
vers le centre de vacances de Cap Skirring, l’un des deux
villages du Club Med au Sénégal. Le biturbopropulseur à hélices
de conception américaine, piloté par deux Américains, a pris
l’air à 4 h 30. Il faisait alors partie d’un convoi de trois
appareils acheminant un groupe de 150 vacanciers. L’équipage
était aussi composé de deux hôtesses, l’une gambienne et l’autre
britannique, ainsi que d’un mécanicien gambien. Le temps était
beau, le trajet court et facile.
Le drame a eu lieu à 6 h 10 aux environs de Kafoutine dans une
région marécageuse, à une cinquantaine de kilomètres au nord du
Cap Skirring où l’avion devait normalement atterrir. Les deux
autres Convair se sont posés sans difficulté. L’épave a été
rapidement repérée par la gendarmerie locale. Un Breguet
Atlantique et un Super-Frelon de l’armée française se trouvant
au Sénégal dans le cadre de manoeuvres militaires conjointes ont
également participé aux recherches puis aux secours.
Un dispositif médical spécial a été mis en place dans la
capitale sénégalaise. Parmi les rescapés, l’état de santé des
deux tiers n’inspirait pas d’inquiétude selon le Club
Méditerranée à Paris. Certains, choqués mais miraculeusement
indemnes, doivent être rapatriés dès aujourd’hui par le vol
régulier d’Air France qui doit arriver à
Roissy-Charles-de-Gaulle à 8 heures. Tous ont été aussitôt
conduits à Ziguinchor, capitale de la région Casamance, puis
transférés à Dakar, notamment à l’hôpital militaire où opèrent
une quarantaine de chirurgiens français. Le ministre sénégalais
de la Santé, Assane Diop, et Dominique Perreau, ambassadeur de
France au Sénégal, étaient présents à l’aéroport de Dakar pour
accueillir les survivants.
De son côté, le ministère français des Affaires étrangères a mis
sur pied une cellule d’urgence pour intervenir sur les lieux de
la catastrophe, en liaison avec les autorités sénégalaises.
Gilbert Trigano, le P-DG du Club Med a quitté Paris dimanche, en
fin de matinée, à bord d’un avion d’UAP Assistance, chargé de
matériels destinés aux soins d’urgence.
Son frère, Serge, a souligné
pour sa part que le Club travaillait depuis une vingtaine
d’années avec Air Sénégal « et que les conditions de sécurité
ont toujours été parfaites ».
Aucune information n’a pu être obtenue sur les causes et les
circonstances de l’accident. Selon les premières hypothèses, le
pilote aurait fait une erreur d’estimation en annonçant à la
radio, tant aux passagers qu’à la tour de contrôle de la région,
qu’il se trouvait au dessus de l’aéroport de Cap Skirring. En
fait, il en était encore éloigné d’une cinquantaine de
kilomètres. Aucune anomalie n’a été signalée par le pilote. De
plus, l’accident ayant eu lieu de nuit, il est difficile
d’expliquer pourquoi le commandant de bord a tenté de se poser
alors que, à l’évidence, les balises de signalisation lumineuse
de la piste d’atterrissage n’étaient pas visibles de la position
qui était alors la sienne. Une commission d’enquête serait déjà
sur place.
Des précisions ont cependant été apportées sur l’appareil
lui-même. Fabriqué conjointement par la compagnie américaine
General Dynamics et la firme britannique Rolls Royce, le Convair
avait été mis en service il y a vingt-sept ans. D’un poids de
14,5 tonnes, il était capable de voler à une vitesse de 482 km/h
à une altitude maximale de 4.575 mètres.
Mais la fabrication est arrêtée
depuis longtemps. Les avions de ce type ont alors alimenté les
marchés d’occasion. Ils ne sont seulement en service maintenant
que dans certains pays en voie de développement, équipant pour
des raisons d’économies certaines compagnies aériennes aux
contours parfois un peu flous.
C’est ainsi que l’appareil qui s’est écrasé volait sous le
pavillon de la compagnie gambienne
Gambcrest. Mais il
appartiendrait, en fait, à des Britanniques d’origine indienne.
On peut alors s’interroger sur la responsabilité du Club
Méditerranée. Il affrète des avions auprès d’Air Sénégal,
celui-ci sous-traite à qui bon lui semble.
Et le Club ne semble guère se
soucier de vérifier les conditions de sécurité dans lesquelles
ses clients vont voyager !
Dominique Bègles.
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