Rapport préliminaire établit le16 nov 2005 par le BST/TSC
du Canada
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada
(BST) a ouvert une enquête sur cet événement dans le
seul but de promouvoir la sécurité des transports.
Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à
déterminer les responsabilités civiles ou pénales.
L'enquête n'étant pas terminée, il se pourrait que
les renseignements donnés ici soient modifiés à la
lumière des faits supplémentaires qui pourraient
être portés à notre connaissance.
Le présent message a pour objet de tenir les
personnes et les organismes intéressés au courant
des données factuelles recueillies jusqu'à ce jour,
de donner des renseignements sur les activités liées
à la sécurité et de préciser les futures activités
qui vont se dérouler dans le cadre de l'enquête.
L'analyse des données factuelles disponibles étant
toujours en cours, il serait inapproprié de spéculer
sur les conclusions du Bureau au sujet de cet
événement.
Point sur l'enquête
Sortie en bout de piste
de l'Airbus 340-313
du vol 358 d'Air France
à l'aéroport international de Toronto / Lester B.
Pearson (Ontario)
le 2 août 2005
Point sur l'enquête
numéro A05H0002
This investigation update is also available
in English.
Résumé
Le 2 août 2005, l'équipage du vol 358 d'Air
France (AF358), un Airbus
340-313,
immatriculation F-GLZQ de la France, numéro de
série 289, effectue une approche vers la piste 24L à
l'aéroport international de Toronto /
Lester B. Pearson (Ontario), au Canada. À 16 h 2,
heure avancée de l'Est1,
l'appareil fait un atterrissage long sur la piste
d'atterrissage et sort en bout de piste pour
terminer sa course dans un ravin tout juste à
l'extérieur du périmètre de l'aéroport. Aucune
marchandise dangereuse signalée ne se trouve à bord.
L'aéronef est détruit par l'incendie subséquent.
Deux membres d'équipage et neuf passagers subissent
des blessures graves.
Planification de l'enquête
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada
(BST) a été informé de l'accident par les services
de contrôle de la circulation aérienne (ATC) fournis
par NAV CANADA à l'aéroport international de
Toronto / Lester B. Pearson dans les minutes qui ont
suivi. Le bureau régional de l'Ontario du BST a
répondu immédiatement en envoyant des enquêteurs sur
les lieux. Le BST a dépêché une équipe d'enquête
dans le cas d'un événement majeur dans les 12 heures
après l'accident.
L'équipe de gestion de l'enquête est composée
d'un enquêteur désigné, d'un enquêteur désigné
adjoint et de deux chefs d'équipe - un chef de
l'équipe des opérations et un chef de l'équipe
technique. Le chef de l'équipe des opérations est
responsable des groupes suivants : exploitation,
performance de l'aéronef, coordination des témoins,
sécurité dans la cabine, services de contrôle de la
circulation aérienne, conditions météorologiques et
services d'intervention d'urgence et de l'aéroport.
Le chef de l'équipe technique est quant à lui
responsable des groupes suivants : enregistreurs de
vol, groupes motopropulseurs, structure, systèmes,
photos / vidéos, gestion des lieux, sécurité des
lieux, examen des lieux et registres techniques et
d'entretien.
L'équipe d'enquête responsable du travail sur le
terrain était composée de 35 enquêteurs du BST
appuyés par des représentants accrédités du Bureau
d'Enquêtes et d'Analyses pour la Sécurité de
l'Aviation Civile (BEA) de la France et du National
Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis,
et de 43 observateurs provenant des organisations
suivantes : Transports Canada, la Federal Aviation
Administration (FAA) des États-Unis, NAV CANADA, Air
France, Airbus, General Electric, l'Aircraft
Accident Investigation Branch (AAIB) du Royaume-Uni,
Goodrich Corporation, la police régionale de Peel et
la Greater Toronto Airport Authority (GTAA). Le
travail sur le terrain de cette enquête a été
finalisé le 16 août, date à laquelle la
responsabilité des lieux et de la piste 24L a été
rendue à la GTAA.
L'étape suivant le travail sur le terrain est
dirigée par le Laboratoire technique du BST à Ottawa
(Ontario), au Canada. Des membres choisis de
l'équipe se sont rendus en France pour rencontrer
des représentants du BEA, d'Air France, de la
Direction Générale de l'Aviation Civile (DGAC), des
Aéroports de Paris et de l'avionneur Airbus à
Toulouse afin de recueillir des renseignements
additionnels sur les méthodes d'exploitation du
transporteur aérien ainsi que sur les activités de
réglementation de la DGAC. Cette visite a aussi
permis à l'enquêteur de donner une conférence de
presse devant les journalistes français spécialisés
en aéronautique. Des exercices sur simulateur ont
été réalisés dans les installations d'Airbus afin de
permettre aux enquêteurs de mieux comprendre tous
les facteurs inhérents à cet accident. On a aussi
effectué d'autres entrevues avec les membres
d'équipage de conduite et de cabine, ainsi qu'avec
plusieurs gestionnaires d'Air France.
Données factuelles
Le vol AF358 a quitté l'aéroport Charles de
Gaulle, en France, à 7 h 53 avec, à son bord,
12 membres d'équipage et 297 passagers. Après un vol
sans incident vers Toronto, l'appareil a reçu, à
15 h 56, l'autorisation d'amorcer son approche vers
la piste 24L. Le copilote était le pilote aux
commandes (PF) pour l'approche et l'atterrissage. Au
cours de la descente vers l'aéroport, l'équipage a
demandé des écarts de cap des services d'ATC à deux
reprises pour éviter des cellules orageuses; ces
écarts ont été autorisés.
Conditions météorologiques
Le 2 août 2005, les facteurs météorologiques
dominants dans la région de Toronto étaient un
système de haute pression, s'étendant du nord de la
Baie d'Hudson, au Canada, à l'est du Kentucky, aux
États-Unis, et un système de basse pression au
nord-est de Québec (Québec), au Canada, et associé à
un faible creux de surface le long du fleuve
Saint-Laurent jusqu'au sud de l'Ontario.
Les prévisions émises par Environnement Canada
peu avant 8 h indiquaient une probabilité d'orages
de 30 % avec une visibilité de 2 milles terrestres (sm)
et un plafond à 2000 pieds au-dessus du sol (agl)
pour la période comprise entre 13 h et 18 h. Après
12 h, lorsque des activités orageuses ont été
observées pour la première fois à proximité de
l'aéroport, les prévisions ont été modifiées pour
refléter la plus grande probabilité d'orages au
cours de l'heure suivante. Les prévisions ont été
ainsi modifiées toutes les heures alors que des
orages étaient toujours observés.
Un peu après 15 h, des renseignements
météorologiques significatifs (SIGMET) ont été
diffusés. Ils annonçaient qu'une ligne d'orages
organisée s'était développée à 20 milles marins (nm)
ou moins de chaque côté d'une ligne quasi-immobile
s'étendant de 20 nm à l'ouest de Buffalo (New York),
aux États-Unis, à 50 nm au sud-ouest de Muskoka
(Ontario), avec des sommets de nuages à une altitude
maximale de 44 000 pieds. Les SIGMET étaient valides
jusqu'à 19 h 15.
À 15 h, une heure avant l'atterrissage du vol
AF358, un orage et des pluies abondantes balayaient
l'aéroport avec une visibilité réduite à 4 sm et un
plafond fragmenté à 5000 pieds. À 16 h, les
conditions étaient essentiellement les mêmes avec
des observations de coups de foudre de nuage à nuage
et une visibilité inférieure dans le quadrant
sud-ouest /nord-ouest.
À ce moment, les vents de surface étaient du
290 degrés vrai de 11 noeuds.
Durant le vol, les membres d'équipage ont demandé
et reçu plusieurs messages du système ACARS (système
embarqué de communications d'adressage et de compte
rendu) avec des mises à jour météorologiques ainsi
que des mises à jour de l'ATC. Ils ont changé leur
aéroport de dégagement, qui était à Niagara Falls
(New York), aux États-Unis, pour celui d'Ottawa. À
15 h 54, un foudroiement a endommagé les indicateurs
de la direction et de la vitesse du vent de la tour
de contrôle régissant la piste 24L de l'aéroport
international de Toronto / Lester B. Pearson; ce
renseignement a été transmis à l'équipage, qui avait
accès à la direction et à la vitesse réelles des
vents par rapport à la position de l'appareil sur
son système de gestion de vol (FMS). Les tempêtes
étaient visibles sur le radar météorologique de
l'aéronef - une au nord de la piste 24L et une autre
au sud-ouest. Les équipages des deux aéronefs qui
avaient atterri immédiatement avant le vol AF358 ont
signalé que le freinage était peu efficace, et un
équipage a estimé que le vent de surface près de la
piste était du 290 degrés magnétique de 15 nœuds,
avec des rafales de 20 noeuds. Ce renseignement a
été transmis à l'équipage du vol AF358 par le
contrôleur de la tour.
Presque au même moment où le vol AF358 a atterri,
une ligne de pluie marquée associée à l'orage est
passée sur un axe nord-sud approximatif,
au-dessus
de la piste 24L. Cette pluie était accompagnée de
rafales et d'une modification de la force et de la
direction du vent de surface. Pendant cette période,
on a également signalé plusieurs éclairs et de la
foudre. À 16 h 4, les conditions observées au lieu
d'observation situé au sud de la piste 24L
indiquaient des vents du 340 degrés vrai de 24 nœuds
avec des rafales de 33 noeuds, un important orage
au-dessus du terrain d'aviation, une visibilité de
1 sm sous forte pluie et un plafond à 4500 pieds agl.
Renseignements fournis par l'enregistreur
numérique de données de vol
Au cours de l'approche finale, le FMS de
l'aéronef indiquait un vent du 300 degrés vrai à une
vitesse de 15 à 20 noeuds et une composante vent de
face d'environ 8 nœuds. L'équipage a fait passer le
réglage du frein automatique de la position « low »
à « medium » en raison de la réduction prévue du
coefficient de frottement sur la piste au moment de
l'atterrissage. L'aéronef respectait l'alignement de
piste et la trajectoire de descente. La vitesse
d'approche était de 140 noeuds, une vitesse
appropriée pour la masse calculée de l'aéronef
(185 tonnes) en vue de l'atterrissage. Les systèmes
de pilotage automatique et de commande automatique
de poussée étaient engagés. Ils ont tous les deux
été débranchés à environ 350 pieds au-dessus du sol,
point à partir duquel l'équipage a poursuivi
l'approche à vue et a atterri conformément aux
procédures d'utilisation normalisées (SOP) du
transporteur aérien. L'aéronef est alors passé
légèrement au-dessus de la trajectoire de descente
et est arrivé au-dessus du seuil de la piste à une
altitude estimée à 100 pieds; l'altitude normale à
ce point est de 50 pieds. C'est alors que la vitesse
indiquée a augmenté de 139 à 154 noeuds. Au cours de
l'arrondi, l'aéronef est entré dans une zone de
fortes averses. La visibilité vers l'avant des
membres d'équipage a été grandement réduite lorsque
l'appareil a dû faire face à des pluies diluviennes.
L'enregistreur numérique de données de vol (DFDR) a
enregistré le vent qui a tourné au 330 degrés vrai,
entraînant une composante vent arrière d'environ 5 noeuds.
La piste est devenue contaminée, étant recouverte
d'au moins ¼ de pouce d'eau stagnante.
L'aéronef a touché le sol à une distance
d'environ 4000 pieds sur la piste de 9000 pieds. Les
déporteurs sont automatiquement sortis après le
toucher des roues et, selon le DFDR, les membres
d'équipage ont appliqué la pression maximale sur les
pédales de frein de l'aéronef. La pression est
demeurée constante jusqu'à ce que l'aéronef quitte
l'extrémité de la piste.
Les données du DFDR indiquent que l'angle du
réducteur de poussée sur la position angulaire des
manettes des gaz a commencé à changer 12,8 secondes
après le toucher des roues et que les inverseurs de
poussée étaient complètement sortis 14 secondes
après le toucher des roues. Les moteurs ont atteint
l'inversion de poussée maximale 17 secondes après le
toucher des roues. L'aéronef a quitté l'extrémité de
la piste à une vitesse sol de 79 noeuds. Il s'est
immobilisé à 1090 pieds au-delà de l'extrémité de
départ de la piste. Les données du DFDR indiquent
que l'aéronef a atterri avec 7500 kg de carburant à
bord; 4500 kg de carburant pour le vol étaient
nécessaires pour se rendre à Ottawa.
Renseignements sur la performance
d'atterrissage de l'aéronef
La longueur de la piste 24L est de 9000 pieds
(2743 mètres). Selon le Manuel de référence
rapide (QRH) d'Air France sur l'avion
A340-313,
page 34G, « Distance d'atterrissage sans auto brake »,
les distances minimales suivantes sont requises pour
immobiliser l'aéronef. Il est à noter que, lorsque
la piste est sèche, le QRH donne un facteur de
correction de « 0 » pour les distances
d'atterrissage avec ou sans inversion de poussée;
par conséquent, dans une condition de vent donnée,
les valeurs demeurent les mêmes.
DISTANCE D'ATTERRISSAGE RÉELLE
(de 50 pieds au-dessus du sol
jusqu'à l'arrêt complet) |
État
de la piste |
Sèche |
|
Mouillée |
|
6,3 mm (1/4 de pouce) d'eau |
|
mètres |
pieds |
|
mètres |
pieds |
|
mètres |
pieds |
Vent nul |
1155 |
3788 |
|
1502 |
4927 |
|
1987 |
6519 |
Vent arrière de 5 noeuds |
1264 |
4148 |
|
1682 |
5518 |
|
2265 |
7432 |
Vent nul,
inverseurs de poussée en marche |
1155 |
3788 |
|
1397 |
4582 |
|
1768 |
5802 |
Vent arrière de
5 nœuds, inverseurs de poussée en
marche |
1264 |
4148 |
|
1564 |
5132 |
|
2016 |
6614 |
|
Évacuation et intervention d'urgence
Après l'arrêt de l'aéronef, les agents de bord
ont repéré des flammes à l'extérieur de l'appareil
et ont ordonné l'évacuation. Les intervenants et les
véhicules des services d'intervention d'urgence de
l'aéroport sont arrivés sur les lieux environ deux
minutes après l'immobilisation de l'aéronef. Leurs
premières tâches ont été d'aider à l'évacuation des
passagers et des membres d'équipage, de s'assurer
que ces derniers se trouvaient à un endroit sûr et
de maîtriser les flammes qui, alimentées par le
carburant, s'intensifiaient rapidement. L'incendie a
finalement détruit la presque totalité du fuselage
de l'aéronef. La performance du matériel de lutte
contre les incendies à mousse des véhicules des
services d'intervention d'urgence a été grandement
altérée par les fortes pluies associées à l'orage;
la pluie diluait la mousse, la rendant moins
efficace contre ce type d'incendie.
L'aéronef est pourvu de huit portes de sortie et
des glissières d'évacuation connexes. Les deux
sorties arrière du côté gauche sont demeurées
fermées en raison de l'incendie observé dans cette
zone immédiatement après l'arrêt de l'appareil. Une
sortie centrale du côté droit a été ouverte, mais a
dû être refermée après que la glissière d'évacuation
se soit dégonflée à la suite d'un contact avec des
débris de l'aéronef. Une sortie du côté gauche a été
ouverte, mais la glissière d'évacuation ne s'est pas
déployée. Les agents de bord ont commandé
l'ouverture des quatre autres sorties, même si la
glissière d'évacuation avant du côté gauche était
endommagée. De nombreux passagers ont quitté
l'aéronef avec leur bagage à main. L'évacuation
complète a demandé moins de deux minutes.
Systèmes de bord
Jusqu'à maintenant, aucune anomalie importante
des systèmes de bord n'a été relevée. L'analyse des
données du DFDR n'a révélé aucune défaillance des
systèmes. Au terme de l'examen physique des débris
combiné à une analyse détaillée des paramètres à
l'aide du DFDR, aucun problème n'a été détecté
relativement aux commandes de vol, aux déporteurs,
aux pneus, aux freins ou aux inverseurs de poussée.
Les commandes de vol ont répondu comme prévu, les
déporteurs sont sortis au toucher des roues, les
pneus et le système de freinage ont fonctionné selon
leurs caractéristiques de conception et les
inverseurs de poussée étaient en position sortie.
Les freins ont été soumis à des essais de pression,
et une évaluation avec désassemblage plus poussée a
été réalisée dans les installations de
Messier-Bugatti-Goodrich à Troy (Ohio), aux
États-Unis. Les circuits principaux et de secours
des freins 2 à 8 ont été mis à l'essai en usine,
avec des résultats conformes. Il a été impossible de
mettre le frein 1 à l'essai en raison des dommages
qu'il a subis au cours de l'incendie qui a suivi
l'écrasement. Ce frein a été démonté et rien ne
permet d'affirmer qu'une condition antérieure aurait
pu entraîner un défaut de cette unité, ou en réduire
la performance.
Plan d'enquête
Au cours des mois qui viennent, l'équipe
d'enquête analysera cet accident, ainsi que d'autres
événements survenus précédemment qui présentent des
caractéristiques similaires afin de mieux comprendre
tous les facteurs contributifs en cause dans cet
accident. Pendant cette étape d'analyse, le BST a
l'habitude d'examiner l'interface homme, machine et
environnement afin de déterminer si ces facteurs ont
contribué à l'accident. L'équipe d'enquête continue
d'être appuyée par le BEA, le NTSB et d'autres
observateurs.
Une fois que la version provisoire du rapport de
l'équipe d'enquête sera prête, elle sera examinée et
approuvée par le directeur des Enquêtes (Air).
Ensuite, la version provisoire du rapport sera
soumise à l'approbation du Bureau et communiquée,
sous la forme d'un rapport provisoire confidentiel,
aux personnes désignées. Le Bureau examinera ensuite
les observations des personnes désignées et
modifiera le rapport au besoin. À la fin de ce
processus, le Bureau publiera le rapport d'enquête
final.
Si, au cours d'une enquête, le BST découvre une
lacune sur le plan de la sécurité, il émettra une
communication relative à la sécurité, dans les
meilleurs délais, à l'intention du ministère ou de
l'organisation de l'industrie du transport le plus
apte à prendre des mesures de sécurité pour réduire
les risques relevés.