Les procès en diffamation de Maître Agron, avocat de Michel Asseline

 
   
 

 

 

Colmar, 19 janvier 1998, procès en Appel du crash de Habsheim.  A la sortie de l’audience, l’avocat de Michel Asseline, Maître Jean-Michel AGRON, brandit une photo devant les journalistes et annonce :

« Voici la photographie qui démontre que Monsieur Gérard a substitué les boîtes (…) »

Vous pouvez visionner la séquence ICI

Claude GERARD porte alors plainte en diffamation devant ……le juge Guichard, bientôt suivi par la DGAC, son employeur et le Ministre des transports lui-même.

Accuser un avocat pour des propos qu’il a tenu dans l’enceinte d’un tribunal : du jamais vu !

Jean Michel AGRON va devoir se battre pour contrer la manœuvre.

Durant plus de 6 mois, il va rassembler plus de 120 documents et faire citer 16 témoins comme offre de preuve.

De son côté, Claude Gérard va s’appuyer exclusivement sur l’arrêt de la Cour d’Appel de Colmar qui  soutient en totalité ses affirmations sur l’authenticité des enregistreurs de vol, tout en condamnant Michel ASSELINE à 10 mois de prison.

Se doutant peut-être du brûlot qu’il a entre les mains, ce serait alors un troisième procès de Habsheim, le tribunal de Colmar va juger préférable de se dessaisir au profit de la XVII ième chambre à Paris, celle où l’on juge les délits de presse.

Après plusieurs renvois, l’audience se tient finalement les 25, 26 et 27 octobre 2000.

Parmi les témoins cités, le colonel SCHNEBELEN, patron des secours le jour de l’accident et expert auprès de la Cour de Cassation.

Voici le résumé des échanges les plus significatifs recopiés sur des notes d'audience ainsi que d'après les transcriptions du greffe.

 

Colonel SCHNEBELEN : J’étais lieutenant-colonel et je commandais les secours. Les boîtes du tribunal ne ressemblaient en aucun cas à celles que j’ai vu. Celles-ci étaient neuves, sans trace d’usure. Mes services les ont dégagés et donné aux gendarmes qui les ont mises dans un bosquet de jeunes chênes et sous la surveillance de deux gendarmes. Les boîtes ont bien été extraites par les pompiers. 

Mme la Présidente : ça change de tout ce qui a été dit !

Col SCHNEBELEN : Il n’y avait que nous qui avions les matériels pour extraire les boîtes. Gérard était présent (…en montrant l’endroit sur une photo…) Les boîtes étaient entreposées par ici, vers l’aile AV DR. J’ai vu les boîtes sous la surveillance des gendarmes. Je suis passé devant 5 ou 6 fois pendant une heure et demie.

Mme la Présidente : Vous avez fait cette déclaration avant ?

Col SCHNEBELEN : Non, je n’ai jamais été entendu durant l’instruction.

Mme la Présidente : Alors monsieur GERARD ?

Claude GERARD répète alors consciencieusement qu’il a emmené les boîtes vers sa voiture.

 - Les boîtes n’ont jamais été abandonnées de mes deux bras. Je n’explique pas les affirmations du témoin.

Mme la Présidente : Il y a 4 boîtes ou bien l’un ment !

Col SCHNEBELEN : Je suis formel sans hésitation. Je n’ai pas vu les boîtes dans les mains de monsieur GERARD. Mais les boîtes avaient disparu.

 

Le juge François GUICHARD fait partie des témoins cités par l'accusation:

- Ce qui a intéressé les experts, c’est la traçabilité, ce n’est pas tant le trajet de l’avion vers où, mais plutôt de Habsheim vers où. Ce trajet n’a peut-être pas fait l’objet d’investigations particulières.

Mme la Présidente : Mais la substitution a pu se faire n’importe où.

Le juge GUICHARD : C’est le contenu qui est important. On peut changer la boîte sans changer le contenu. Ce qui est intéressant, ce n’est pas le boîtier, mais les bandes. On peut imaginer des boîtiers leurres.

 L’avocat des grandes causes de l’Etat, Maître SOULEZ LARIVIERE juge alors bon de rappeler qu’il est impossible de falsifier les bandes,

- Les discussions actuelles n’ont aucun intérêt face à cette vérité scientifique !

 

Un second procès, en Appel,  se tient au mois de janvier 2002.

Le professeur Margot de l’IPSC de Lausanne, auteur du rapport sur la photographie aérienne qui a tout déclenché accepte de venir témoigner. Ses conclusions avaient été contredites par MM les experts Wehbi et Vigreux qui affirmaient l’impossibilité de distinguer si les bandes sont obliques ou perpendiculaires suite à un effet d’anamorphose à la prise de vue.

 

Le professeur Margot précise :

 - En 1989, des scientifiques gendarmes français sont venus faire un DEA à Lausanne dans mes locaux.

L’avocat de JMA :

- Vous avez eu connaissance du rapport Wehbi sur l’anamorphose ?

Le professeur Margot :

 - La démonstration et les conditions avancées sont ridicules. Rien à voir avec la situation réelle. En allant par l’absurde, on montre tout et n’importe quoi. J’ai renoncé à commenter ce rapport.

L'avocat de JMA :

 - Votre conclusion est catégorique ?

Le professeur Margot :

- Je suis formel. Je n’ai pas vu les boîtes physiquement à Colmar, je n’ai vu que les images, mais les bandes ne concordent pas !

Max Venet, co-expert avec Jean Belotti à avoir examiné...et expertisé la photo avec une loupe est appelé à la barre. Il avait conclut devant la Cour d’Appel que les boîtes étaient identiques.

 - Je ne comprends pas que le professeur Margot ait pu contester nos conclusions sur l’authenticité des boîtes et nous traiter « d’idiots ». En 1988, il n’y avait pas de DFDR avec des bandes perpendiculaires. Le professeur Margot a été mal renseigné.

Mme Wehbi vient témoigner :

 - Les tirages que nous avons effectués ne nous ont pas permis de déterminer la position des bandes. On a ensuite comparé avec les gilets des pompiers qui ont également des bandes réfléchissantes.

Le professeur Margot :

 - Si on parle de perspective, on se place dans les mêmes conditions. Étonnant de comparer avec des blousons ! On n’a pas mesuré les mêmes choses. Je suggère une reconstitution pour  reproduire la scène de la prise de vue.

Mme Webhi :

 - On ne peut pas reconstituer à l’identique. Vous vous êtes fait avoir, professeur, vous avez interprété, votre solution n’a pas de réalité physique.

 

A croire que certains tribunaux de France sont particulièrement cloisonnés. Les magistrats de Colmar dans leur jugements et leurs arrêts postérieurs n'ont jamais tenu compte de ces propos ni des doutes qu'ils engendraient face aux certitudes acquises en Alsace par le juge d'instruction ainsi que les débats de deux procès.