Invitation

Pour toutes les personnes intéressées, le samedi 28 juin 2008 à 14h30, se déroulera une commémoration sur les lieux mêmes du crash, devant la stèle du souvenir.

Plusieurs personnalités de premier plan ont annoncé leur venue pour s'associer à la mémoire des victimes du crash, tout spécialement pour Marianna, Marie-France et Hervé, décédés dans l'accident.

Personne ne doit se sentir exclu, loin de toutes les polémiques qui ont émaillés les années passées.

 

1988 - 2008, 20 ans ont passé!

Le Crash de Habsheim, c’était il y a juste 20 ans.

 

Combien de jeunes pilotes aujourd’hui aux commandes d’Airbus A320 étaient encore en culotte courte ce 26 juin 1988, et combien d’autres, à peine plus âgés n’ont pas saisi la portée de l’évènement qui venait de se produire ?

Les images diffusées en boucle sur les télévisions ainsi que les photos et les articles de presse n’ont pas manqué pour s’interroger sur les causes de cet accident filmé quasiment en direct.

Mais déjà après 24h de réflexion et de contacts idoines, le Ministre des transports et le Procureur de la République de Mulhouse avaient conclut à une erreur humaine de l’équipage.

Du rapide et du bien fait.

Aujourd’hui, on peut s’interroger si les évènements du 26 juin 1988 et des mois suivants pourraient se dérouler de la même manière ?

Souvenons nous de la méthode brutale, expéditive et grossière de la gestion de cet accident qui a créé un doute planétaire quand aux performances des avions Airbus. Doute entretenu et même aggravé après chaque nouveau crash par l’accusation systématique de l’équipage : c’est une erreur humaine qui est la cause de l’accident.

Habsheim n’était que le premier et le plus médiatisé des accidents d’A320.

Mais Habsheim, c’était surtout la condamnation de l’équipage avant tout travail d’expertise ainsi que des enquêtes administratives et judiciaires dont les conclusions étaient annoncées avant même l’écriture de la première ligne du rapport.

Dans les années 90, quatre procès, deux en diffamation et deux au pénal ont permis de n’écouter et d’entendre que les bonnes paroles qui cadraient avec la version officielle et d’en tirer bien entendu les conclusions propres à innocenter l’avion et ses systèmes. 

Fait rare, l’intervention d’un juge d’instruction avait permis de lancer effectivement une enquête judiciaire indépendante de l'enquête administrative. La suite des évènements n’a malheureusement pas tenu les espoirs placés dans cette dualité. D’ailleurs, la tutelle aéronautique fait actuellement tout son possible pour récupérer l’exclusivité et rétablir l’unicité des enquêtes.

Mais avec la technologie de 2008 appliquée au scénario de 1988, les choses se seraient-elles déroulées autrement ? Simple hypothèse bien sûr puisqu’on ne refait pas l’Histoire.

Tout d’abord, avec plus de 1500 modifications, probablement plus de 2000, selon des sources autorisées, l’A320 a bien évolué pour tenir compte des accidents successifs en tête desquels vient le crash de Habsheim, même si jamais aucun  dysfonctionnement de l’appareil n’a été officiellement admis par le constructeur, bien au contraire.

Pour un appareil régulièrement au dessus de tout soupçon, 2000 modifications, ce n’est pas si mal !

 

Bien des choses ont changé durant ces deux décennies.

 

Les « boîtes noires » par exemple sont aujourd’hui filmées et photographiées et leurs numéros de série relevés en public. Plus question d’annotations vagues au crayon à l’abri des regards indiscrets par un subalterne obéissant puis de transport secret au milieu de la nuit pour ces importantes pièces à conviction.

Autres témoins, les vidéos amateurs enregistrées en 1988 en analogique étaient difficilement exploitables à cause de la mauvaise qualité du support et du signal. L’approximation dans l’étude qui en a découlé a permis bien des interprétations voire des refus d’analyser certaines séquences. Aujourd’hui, les vidéos tournées lors de l’accident seraient cinq ou dix fois plus nombreuses qu’alors avec un son des moteurs plus précis et mieux exploitable.

Ainsi l'analyse de la bande son du CVR  par un expert de la défense, certifiée avec des coupures et refusée comme telle par le tribunal serait aujourd’hui criante et scandaleuse de vérité grâce aux techniques publiques courantes d’analyse modernes.

A l'inverse, les photos argentiques dont l’origine était facilement authentifiable par les laboratoires et les experts criminologues en photographies, mais dont le grain et la définition avaient des limites physiques et chimiques pouvaient servir de preuves judiciaires s’il plaisait au juge. Les photos numériques actuelles ne le pourraient que plus difficilement.

Les vidéos « témoins » tournées comme « authentiques » par les experts lors de leurs pérégrinations chez les constructeurs aéronautiques et présentées comme telles au tribunal seraient risibles aujourd’hui.

On l’a constaté lors des procès du Mt Ste Odile, un timide mais réel échange de vue s’est déroulé entre experts des différentes parties lors des audiences, même avec les victimes parfois. Un peu comme une amorce de débat contradictoire. Que n’aurait-il pas apporté aux procès de Habsheim !

La reconstitution de trajectoire en visualisation 3D selon les paramètres du DFDR ou du QAR est aujourd’hui un classique et la démonstration en a été faite par deux techniques différentes pour le crash du mont sainte Odile. Que pourrait bien donner le vol du Kilo Charlie si on tentait cette reconstitution après le "traitement" des paramètres de vol par les experts officiels de Habsheim?

 

Aujourd’hui, l’histoire ne serait probablement pas la même.

 

Au fil de ces années, les pratiques utilisées pour l’enquête et les expertises ont tout de même fait des émules. L’intérêt aéronautique supérieur qui a commandé les conclusions de toutes les expertises du crash de Habsheim a inspiré d’autres pays dès lors que certains intérêts locaux, touristiques, économiques ou nationaux étaient en jeu. Les scrupules ont cessé lorsqu’il était admis que quelques victimes ne pesaient pas lourd face à ces enjeux.

Inutile de donner une liste de toutes ces conclusions tellement favorables à quelques lobbys  et tellement éloignées de la sécurité aérienne, les professionnels du secteur la connaissent très bien, même s’ils gardent le silence.

Justement, une prise de conscience de ces professionnels de l’aérien et une mise en exergue des égarements lors de l’enquête de Habsheim aurait peut-être permis que certaines dérives ne s’installent pas et ne deviennent par la suite un véritable mode de fonctionnement technique et judiciaire.

Ce premier crash médiatique pouvait produire de nouvelles normes si tous les membres de la grande famille s’étaient rendus compte que l’on changeait d’époque avec une nouvelle génération d’avions et une nouvelle distribution des rôles dans l’aviation mondiale.

Malheureusement, la plupart des parties prenantes, assistées de leurs conseillers, n’y ont vu que leur intérêt à court terme, pensant benoitement que le crash de Habsheim serait oublié rapidement dès lors que le coupable désigné serait mis hors jeu par le système.

Mais aujourd’hui, 20 ans après, la déplorable gestion de cette crise est patente. Evoquer le crash de Habsheim dans les milieux aéronautiques fait dresser l’oreille et bien rares sont ceux qui communient avec la thèse chère au procureur et au ministre de l’époque : Le pilote est seul coupable.

 

Du côté des victimes

 

Quels progrès n’ont-ils pas été accomplis puisque d’une manière simple, on peut dire que les victimes n’avaient aucun droit, sinon celui d’accepter l’indemnisation plafonnée prévue par la convention de Varsovie datant de 1929 et plus à même de protéger le transporteur qu’à indemniser le passager.

Quand aux associations de victimes, elles ne pouvaient pas faire entendre leur voix puisque juridiquement, elles n’avaient pas pu exister au moment des faits.

Aujourd’hui, les indemnisations sont déplafonnées comme dans l’assurance automobile et les associations de victimes se portent systématiquement partie civile dans les procès.

Les derniers exemples en date, les accidents du Mt Ste Odile, de Charm el Cheik, de la Martinique ou de St Barth l’ont démontré.

De même, les associations ont accès au dossier d’instruction tout en étant associées à l’enquête judiciaire alors qu’en 1988, une véritable chape de plomb était tombée sur l'instruction. Livrées à elles-mêmes, les victimes n’ont jamais eu aucun contact avec les juges successifs ou avec les experts. Il a fallu le rapprochement entre les passagers et Michel Asseline pour commencer à suivre et à comprendre les dessous de l’affaire.

Je me souviens encore d’une réunion avec le transporteur et ses assureurs quelques mois après l’accident. Alors que l’association des victimes du crash de Habsheim demandait la reconnaissance d’un préjudice psychologique pour les rescapés, il lui a été répondu : Ce n’est pas possible, vous voulez créer un précédent ! Vous imaginez la situation si toutes les victimes demain, nous réclament la même chose ?

Les choses ont évolué et une telle réponse serait impensable aujourd’hui. Habsheim a permis d’ouvrir un nouveau chapitre là aussi.

Lors du dépôt de leurs statuts, la majorité des associations inscrivent quasiment toujours leur volonté de rechercher la vérité sur les causes du crash ainsi que leur soutien aux revendications indemnitaires des ayants-droits, accompagné de la sacro sainte formule : plus jamais ça !

Dès lors, les associations se démènent et s’informent au mieux, mais, limitées financièrement, elles ne peuvent que rarement engager un expert « indépendant », qui n’aurait de toutes façons aucun poids juridique puisque pas nommé par l’autorité judiciaire. Ses compétences n’entrant même pas en ligne de compte, il ferait de la figuration au tribunal.

Aussi ne rêvons pas, ce sera toujours le combat du pot de terre contre le pot de fer. Une association de citoyens contre les puissances de l’argent et le pouvoir.

C’est bien dans ce domaine qu’il reste un combat à mener afin de ne pas permettre de conclure une enquête par un monologue et permettre ainsi à des intérêts partisans d’orienter les débats.

Autre aspect important apparu récemment, la volonté du législateur de dépénaliser les délits « non intentionnels ». Comme aucun constructeur d’avion n’a  jamais intentionnellement mal conçu un avion afin qu’il se crashe, ni aucune compagnie aérienne volontairement programmé de vol dangereux ni d’équipage incompétent, les tribunaux concluent qu'ils ne peuvent  condamner uniquement pour satisfaire l’exigence de justice des victimes. La faute caractérisée ou la violation délibérée des règles de prudence inscrites dans la loi limite à présent singulièrement la pénalisation. Responsables mais non coupables !

Ainsi se vérifient toujours les vers de la fable de La Fontaine :

                 Selon que vous serez puissant ou misérable,                 

Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Encore et toujours dans une période récente, chacun a pu s’apercevoir que l’application des grands principes de la sécurité aérienne résistait de moins en moins bien aux impératifs économiques et que les prises de risques quotidiens s’amplifiaient, y compris parmi les ténors du secteur.

C’est donc pour le jour le plus lointain possible, après un prochain crash malheureusement inéluctable qu’il faut continuer à améliorer la position des victimes et de leurs familles, des rescapés et de leurs associations.

L’association des victimes du crash de Habsheim a œuvré au mieux pour cela durant 20 ans. Aujourd’hui, sa mission terminée, elle souhaite passer le flambeau.

 Jean Claude Boetsch

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Sur le site du CERDACC, le journal des catastrophes, vous pourrez lire une excellente interview du premier journaliste arrivé sur les lieux de l'accident.

http://www.iut-colmar.net/internet/recherche/Jcerdacc.nsf/91fe2b771e4d47c1c12570bc004f07f3/0291e48f21d6f9b4c125747c0040615e?OpenDocument