Rapport judiciaire Auffray- Bourgeois

 

 

L'expert AUFFRAY

en compagnie

du juge SENGELIN

sur les lieux du crash

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits des Conclusions du rapport 

(Avril 1989)

Causes de l'accident :

    L'accident de l'avion A 320 F-GFKC est la conséquence d'une succession d'anomalies qui concernent: 

1) Le principe inacceptable des "vols touristiques" avec passagers payants à bord, effectués à basse hauteur, avec des avions et des équipages de ligne,

2) L'absence de mesures efficaces suite à l'analyse de plusieurs vols antérieurs conduits en infraction avec témérité (trop bas) ,

             3) L'insuffisance des consignes générales applicables à de tels vols,

             4) La préparation inadéquate du vol du 26 juin 1988,

 5) La négligence, l'imprudence et l'inobservation des règlements lors de   l'exécution du vol de l'accident par l'équipage technique.

* * *

    Les conditions météorologiques, l'avion, ses moteurs, systèmes et équipements, ne sont pas en cause dans l'accident. Les caractéristiques particulièrement élaborées de ce nouvel appareil ont même permis de sauver la vie de la quasi totalité des occupants.

Sur les consignes générales applicables aux vols touristiques à basse hauteur :

    Les conditions d'exécution du vol du F-GFKC à Habsheim prouvent qu'Air France n'avait pas pris les mesures efficaces en temps utile suite à l'analyse de plusieurs vois antérieurs conduits avec témérité.

    La hauteur minimale de survol de la piste de cent pieds est en contradiction avec le niveau minimal imposé par les Règles de l'Air (RAC 1.4.02 paragraphe 4,4 annexées aux articles D 131-7 à D 131-10 du Code de l'Aviation Civile, "En dehors du décollage et de l'atterrissage les aéronefs voleront à une hauteur d'au moins 50 mètres (170 pieds) au dessus du sol, de l'eau ou de tout obstacle naturel et à une distance d'au moins 150 mètres (500 pieds) de toute personne et de tout obstacle artificiel, fixe au mobile, en quelque lieu qu'ils se trouvent".

     Les consignes générales applicables aux vols touristiques à basse hauteur du ressort du Directeur des Opérations Aériennes d'Air France (M. Henri PETIT) étaient très insuffisantes pour l'exécution sûre des vols et non réglementaires à la hauteur minimale de cent pieds (en infraction avec les textes légaux applicables).

    Après l'accident d'Habsheim, Air France a, le 27 Juin 1988, pris la décision d'interdire toute participation de ses avions à des manifestations aériennes. A compter du ler Août, la compagnie a institué au niveau de sa Direction Générale un contrôle de tous ses vols spéciaux. L'autorisation de sa Direction Générale pour chaque vol spécial sera désormais délivrée après examen du programme de vol et de ses conditions d'exécution. Le 22 juillet 1988 une mission spécifique a été confiée à l'Inspecteur Général du Personnel Navigant pour examen de toutes les règles, consignes et procédures en vigueur à la compagnie en matière de sécurité, vérifier les conditions de leur application et évaluer l'efficacité des contrôles.

    Il a été établi qu'avant l'accident d'Habsheim, des vols avaient été conduits en dessous des hauteurs minimales définies par Air France (cent pieds) en présence de représentants de l'Administration de l'Aviation Civile qui n'ont formulé aucune remarque sur l'exécution de tels vols avant l'accident du 26 juin 1988 (fêtes aériennes annuelles organisées sur l'aérodrome de la Ferté Alais, par exemple).

    La hauteur de cent pieds étant elle-même inférieure à la hauteur minimale fixée par les Règles de l'Air rappelées ci-dessus, il est plus que surprenant que l'administration de tutelle (Direction Générale de l'Aviation Civile - Service de la Formation Aéronautique et du Contrôle Technique - Sous direction Technique -Technique Utilisation : responsable M. l'Ingénieur en chef Michel GOUET) n'ait pas eu, en deux ans, l'occasion d'intervenir.

    Les experts considèrent que l'administration de tutelle a failli à sa mission, non par ignorance, de toute façon inacceptable pour une activité s'exerçant depuis 1986, mais plus probablement, par complaisance à l'égard de la Compagnie Nationale Air France.

La Préparation inadéquate du vol du 26 Juin 1986

    Le dossier préparé par la Direction des Opérations d'Air France ne comportait aucune précision sur l'organisation de la manifestation aérienne, notamment sur l'axe du passage de l'A 320.

    Le plan de vol opérationnel préparé à Bâle Mulhouse présentait aussi plusieurs erreurs : (qui n'ont pas eu il est vrai d'influence sur le déroulement du vol si ce n'est qu'elles confirment un manque général de rigueur dans la préparation du vol) ; le nombre des passagers est faux ; la masse en soute est inexacte et l'index de base pour calculer le centrage n'est pas juste.

    Il semble que l'étude effectuée par Air France prenait en compte un passage sur la piste 02/20 alors que le responsable de la manipulation aérienne avait prévu les passages sur la piste 34/16.

    L'équipage n'a procédé a aucune reconnaissance de l'aérodrome d’Habsheim.

    Le dossier du vol comportait seulement la photocopie en noir et blanc de la carte à vue(voir annexe 6) ne permettant pas d'apprécier correctement la densité des arbres en bordure de l'aérodrome.

    Le dossier du vol ne comportait aucun renseignement sur la trajectoire à suivre ni sur les conditions techniques de la présentation laissant ainsi l'équipage improviser la définition du vol au dernier moment.

    Les diverses anomalies citées ci -dessus résultent de l'absence des consignes nécessaires pour ce type de vols de la part de la Direction des Opérations Aériennes d'Air France. La vocation d'Air France n'est pas l'exécution de ce type de vols. Ses services n'ont pas l'expérience suffisante pour les préparer (par exemple la préparation des vols de présentation lors du Salon Aéronautique du Bourget exige des semaines de travail de la part de spécialistes Essais en vol très expérimentés).

Concernant l’équipage:

    La hauteur minimale de survol n'a pas été respectée par l'équipage de PA 320, ni celle de 100 pieds fixée à tort par Air France, ni celle de 500 pieds fixée par les Règles de l'Air, en l'absence de dérogation.

    Il n'a pas été établi que le non respect de la hauteur de 100 pieds ait été volontaire.

    La vitesse d'approche VLS (égale à 139 kt dans les conditions de l’A320 à HABSHEIM), telle que définie par le manuel d'exploitation, devait être respectée.

    Au moment de la remise de gaz au travers de la tour de contrôle d'Habsheim la vitesse du F-GFKC était égale à 122 kt, c'est à dire 17 kt au dessous de la vitesse qui aurait dû être maintenue. Le Commandant de bord ayant annoncé son intention de procéder à un passage à l'incidence "alpha max", le non respect de la vitesse VLS était donc volontaire.

    Il est clair que M. ASSELINE avait bien l'intention d'effectuer un passage à l'altitude de 100 pieds, lue à l'altimètre, l'avion ayant été décéléré jusqu'à l'incidence "alpha max ».

    En fait l'aérodrome de Mulhouse -Habsheim, non connu de l'équipage, est apparu alors que l'appareil en descente, décélérait, les réacteurs réduits. L'avion n'a jamais été stabilisé et tout s'est passé très vite.

    La surveillance de la hauteur à l'aide de l’altimètre était aussi une erreur, à raison du principe même de la mesure. Il fallait utiliser les sondes radio- altimétriques, comme pour toute approche de précision poursuivie au dessous de 200 pieds et donc apporter l'attention nécessaire aux avertissements sonores correspondants ; avertissements qui s'entendent suffisamment avec l'emploi du casque sur les oreilles.

    Il est possible par une étude des facteurs humains de comprendre ce qui s'est passé au niveau de l'équipage technique de conduite, mais il reste que si cet équipage et tout particulièrement le Commandant ASSELINE n'avait pas improvisé une procédure audacieuse, très difficile à gérer et non prévue dans le manuel d'exploitation de l'appareil, l'accident aurait été évité.