Rapport Venet - Belotti:

Synthèse globale condensée de l'existant

 
   

 

 
 

                   

Les

6. AVERTISSEURS SONORES

6. 1. Les faits

* Le Commandant ASSELINE a déclaré qu'en raison du niveau de bruit très élevé dans le cockpit, il travaillait au casque, c'est pourquoi il n'a pas entendu les annonces de la radiosonde.

* Le Commandant MAZIERES (faisant fonction de second -pilote) a déclaré ne pas avoir souvenance d'avoir perçu d'annonce sonore et précise que s'il avait entendu l'annonce "30 pieds", il aurait déclenché immédiatement une remise de gaz.

* Mr DELHAYE (rapporteur du Conseil de discipline) a déclaré qu'on pouvait admettre que les indications sonores de la radiosonde aient été difficiles a percevoir, bien quelles soient puissantes..."

* La Commission d'enquête a précisé que les répétitions de l'annonce de 30 pieds très rapprochées pouvaient être expliquées par de très faibles oscillations de hauteur de la radio sonde altimétrique, autour de la valeur de 30 pieds, l'annonce étant redéclenchée chaque fois que la hauteur de 32 pieds est franchie, dès lors qu'une augmentation d'altitude, même très brève, a été constatée antérieurement.

6.2->. Avis des experts

* Les experts BELOTTI et VENET font les observations suivantes:

a) En raison des bruits importants de ventilation à basse altitude dans le poste de pilotage de l'A 320, AIR FRANCE a été conduite à recommander à ses équipages le port du casque, (assurant entre autres, la fonction d'interphone). Ceci ayant pour inconvénient de masquer les annonces de la voix synthétique de la radiosonde qui, par une anomalie de construction, ne sont pas transmises par le casque à l'équipage.

b) Or, dès le 28 juin, les experts AUFFRAY/BOURGEOIS déclaraient qu'aucune attention n'avait été portée par l'équipage aux informations vocales de la sonde, laissant ainsi entendre que l'équipage avait volontairement négligé cette information, ceci sans avoir pris en compte les problèmes de "casques", pourtant bien connus des utilisateurs.

c) Contrairement à ce qu'affirment les experts AUFFRAY et BOURGEOIS dans leur rapport, le non- dialogue entre les deux ordinateurs FMGC, dû à une panne préexistante du système, n'était pas dépourvu de conséquences puisqu'il ne permettait pas à l'équipage d'introduire commodément les données nécessaires à l'affichage d'une hauteur minimum d'alarme sur le terrain d'HABSHEIM. Cet affichage permet, lors des approches en ligne, d'alerter les pilotes sur la proximité de la hauteur minimum de décision et d'anticiper une éventuelle manœuvre de remise de gaz. Dans le cas précis d'HABSHEIM cet affichage aurait peut- être contribué à faire prendre conscience à l'équipage d'une anomalie non détectée concernant la hauteur réelle de l'avion

Les experts BELOTTI et VENET considérant qu'il existe de nombreux points inexplorés au sujet des avertisseurs sonores de l'A 320, particulièrement en ce qui concerne les indications audibles de la radiosonde, soumettront à Mme le Juge MARCHIONI, un plan d'actions comportant notamment un examen des conditions de certification.

7. COMMANDES DE VOL

7. 1 . Les faits

* Le Commandant ASSELINE a déclaré qu'au moment où il a vu arriver la forêt et il a imprimé à l'aide du mini- manche, une assiette à cabrer maximum à l'avion sans constater l'effet attendu.

* Le Ministre des Transports, (reproduisant mot pour mot les termes du Président de la Commission d'Enquête, Mr BECHET), a déclaré que la trajectoire suivie par l'avion était cohérente avec les ordres donnés par l'équipage au travers des commandes de pilotage.

* Les experts AUFFRAY et BOURGEOIS ont indiqué:

- que le PHR était à mi course.

- que la position du PHR donnée par l'enregistrement du DFDR était constante depuis le passage à 50 pieds jusqu'à l'arrêt du DFDR et vaut 4,411 à cabrer. L'autotrim était donc bien coupé comme le veut la loi de pilotage en action en dessous de 50 pieds (loi d'arrondi).

* La Commission d'Enquête, après les simulation en vol et sur simulateur, a déclaré avoir établi que le fonctionnement des commandes de vol a été conforme aux données de la certification lors du vol du 26 Juin 1988 et considère que les lois de pilotage de l'appareil ne présentent aucune caractéristique susceptible de créer une difficulté particulière de pilotage, même dans les conditions de vol qui diffèrent sensiblement d'une approche normale.

7.2. Avis des experts

* Les experts BELOTTI et VENET font les observations suivantes:

a) La consultation des différents pièces de la procédure concernant les commandes de vol a révélé l'existence de nombreuses incohérences.

b) C'est ainsi, par exemple, que l'on peut observer dans les listings existants des anomalies aussi flagrantes qu'une sollicitation à cabrer de 17° du mini- manche gauche accompagnée simultanément d'un mouvement à piquer de la gouverne de profondeur et ce dans les dernières secondes de vol enregistrées. Ce fait n'apparaît dans aucun des rapports des différents experts.

* Après avoir confronté les déclarations des différents enquêteurs relatives au fonctionnement des commandes de vol, il n'est pas possible, sur la base des enregistrements effectués et des diverses versions des listings DFDR existant dans le dossier d'instruction de confirmer, à ce stade, les résultats présentés.

8. DÉBLAIEMENT DU SITE

8.1. Les faits

* Les travaux d'abattage ont débuté le ler Juillet 1988 à 8 heures pour se terminer le 4 juillet 1988 dans la journée.

* Mr ROCHE-BRUYN, ingénieur ONF et chef de la Division de MULHOUSE a donné l'ordre de faire procéder rapidement à l'abattage des arbres endommagés. Il déclare avoir pris cette décision sur l'insistance de représentants du Bureau Enquêtes - Accidents, MM MANGANE et DE VILLENEUVE pour permettre de faire évacuer, au plus tôt, les débris de l'appareil aux fins d'expertise.

8.22. Avis des experts

* Les experts BELOTTI et VENET font les observations suivantes:

a) Le défrichage de toute la zone forestière correspondant à la trajectoire du crash interdit désormais définitivement une reconstitution rigoureuse du point d'impact initial et de la trajectoire de l'appareil, alors même que cette reconstitution s'avère impossible étant donné l'arrêt prématuré et inexpliqué des enregistreurs de vol.

b) Logiquement, l'abattage et l'exploitation du bois hors -sève aurait dû se faire en hiver selon l'avis du spécialiste de l'ONF, Mr KARRIERE.

c) L'évacuation des débris ne justifiait pas la suppression d'une pièce à conviction aussi importante pour la détermination de la trajectoire finale de l'avion étant donné:

- qu'il était possible d'évacuer les débris via un chemin à proximité du lieu du crash, quitte à l'élargir,

- qu'il était possible de ne couper les arbres que sur une saignée centrale de la largeur nécessaire au passage des moyens de traction et non pas sur toute la largeur de la trouée.

d) Quant à l'affirmation contenue dans le rapport de la P.A.F.

stipulant que:

"les mesures prises entre le 16 Juin et le 4 juillet, relatives au déboisement de l'aire du crash, n'ont apporté aucune gêne aux investigations portant notamment sur la trajectoire suivie par l'avion avant l'impact. En effet, la précision des premières constatations recoupées par les informations du DFDR, ont permis de reconstituer avec précision la position de l'AIRBUS durant ses dernières secondes de vol",

elle semble indiquer que la PAF a fait siennes des conclusions dont elle ignorait les conséquences sur la conservation des indices.

e) Les experts BELOTTI et VENET ne comprennent pas comment une telle décision a pu être prise par MM MAGANE et DE VILLENEUVE, experts du BEA, alors qu'ils avaient déjà eu connaissance des listings DFDR et ne pouvaient ignorer que les dernières secondes de vol étaient inexploitables, rendant ainsi impossible la reconstitution fidèle de la trajectoire finale de l'avion.

f) La question se pose également de savoir de quel mandat MM MANGANE et DE VILLENEUVE étaient investis pour prendre une décision aussi lourde de conséquences et échappant "a priori" à la compétence d'experts aéronautiques.

g) Une contradiction existe entre:

- la déclaration des experts AUFFRAY/BOURGEOIS qui signalent l'exigence manifestée par le Chef du District de l'ONF de relever l'épave par la partie de la forêt déjà détériorée par l'AIRBUS, partie de forêt à raser au préalable sur plus d'un hectare,

          -  et celle du chef de district de l'ONF qui précise qu'il a pris sa décision sur l'insistance de MM MANGANE et DE VILLENEUVE.

En conséquence, il conviendra de rechercher les raisons qui ont conduit à une situation qui nous paraît contraire aux nécessités de l'enquête. Des propositions d'actions seront faites dans ce sens à Mme le Juge MARCHIONI et comporteront notamment l'audition des divers responsables.

9. MODIFICATIONS APPORTÉES A L'AIRBUS APRÈS l'ACCIDENT

La liste des modifications sera demandée à AIRBUS INDUSTRIE, à CFMI, à AIR FRANCE et à AIR INTER.

* D'ores et déjà, le rapport sur la première année d'exploitation de l'A 320 à AIR FRANCE fait apparaître un grand nombre de modifications.

 

AUTRES SUJETS 

Les experts BELOTTI et VENET ont regroupé l'ensemble des informations contenues dans le dossier d'instruction relativement aux autres sujets suivants:

- RÉALISATION DU VOL,

- CRASH,

- AIR FRANCE,

- ADMINISTRATION,

- AÉROCLUB,

-    VIDÉO et PHOTOS.

* Pour chacun de ces sujets des synthèses partielles seront rédigées et déboucheront également sur un programme d'actions qui sera soumis à Mme le Juge MARCHIONI.

 

CONCLUSION

A ce stade de la contre - expertise, les experts BELOTTI et VENET estiment qu'il serait inutile de tenter une vérification " à posteriori " d'une situation rendue quasiment inextricable par la multiplicité des anomalies méthodologiques et contradictions constatées dans le dossier. De plus, toute référence aux enquêtes précédentes risquerait de conduire à une impasse paralysante par les litiges qu'elle ne manquerait pas de provoquer.

Aussi, dans un souci de simplification et d'efficacité, les experts BELOTTI et VENET concluent donc à la nécessité d'adopter une approche consistant à reprendre pratiquement toute l'enquête à ses débuts afin de tenter de préserver - pendant qu'il en est encore temps - les chances d'aboutir à un processus d'enquête incontestable.