Editorial de l'auteur de ce site

Jean-Claude Boetsch, rescapé du crash de Habsheim

 

Fin 1998, après les procès de Habsheim...

Toute la procédure judiciaire du crash de Habsheim a reposé sur un point fondamental du droit procédural français, à savoir que seule l'accusation dispose d'experts dont les conclusions s'avèrent déterminantes.

        Durant l'enquête et l'instruction, puis les audiences, le travail du juge d'instruction et des experts officiels désignés par la Justice ont quasiment  force de loi. La défense peut bien sûr essayer, le plus  souvent vainement, de "remonter la pente"  avec ses "témoins", même si ceux-ci sont reconnus  par ailleurs comme d'éminents experts auprès d’autres instances judiciaires compétentes.

        En France, pour l'accusation, point n'est besoin de démontrer, il suffit d'avoir l'intime conviction et d'affirmer très fort. Point n'est besoin de répondre aux critiques, il suffit de soutenir sa thèse. Point n'est besoin d'écouter  les "témoins experts" de la défense car juridiquement parlant, il n' "existent pas".   Point n'est besoin  d'être scientifiquement très rigoureux, la fonction d'expert officiel se suffit à elle-même. Point n'est besoin d'avoir des scrupules envers le prévenu que l'on condamne, le nombre d' "experts" noie les responsabilités, comme dans un peloton d'exécution où personne ne sait qui a tiré la balle à blanc. Et pour écouter les experts judiciaires que la Justice aura nommé et suivre leurs conclusions, il y aura toujours l'oreille attentive et favorable des juges. Un crédit absolu, presque un chèque en blanc, en somme. 

        Ailleurs, la véritable justice est celle qui ne craint pas le débat à l'instruction comme à l'audience, celle qui met à égalité les travaux des experts des deux bords, accusation et défense, avec un même respect de leurs qualités, de leurs travaux et de leurs compétences dès lors qu'elles sont reconnues. Le label d'expert judiciaire ne suffit pas pour être le meilleur, le plus compétent ou le plus intègre. Surtout qu'en France, la nomination d'expert judiciaire est une carte de visite à vie, sans aucun contrôle des compétences dans le temps.

        Les experts judiciaires, il est vrai, prêtent serment. Mais dans une société moderne où " le jugement de Dieu" n'a plus cours, quelle est la sanction pour un parjure ? Plus d'huile bouillante, ni de duels, encore moins d'estrapade pour les menteurs.

        Les Anglo-saxons, même avec une justice imparfaite, comme toute construction humaine, ne tombent pas dans ce travers français qui continue de pérenniser pour les accusés le système inquisitorial du "Saint-office", incompatible avec les droits de l'homme dont la France se targue pourtant d'être un ardent défenseur.

France, réveilles-toi et efforces-toi de concevoir  une Justice du troisième millénaire, loin de cet obscurantisme moyenâgeux condamné par l'Histoire qui prônait l'aveu à tout prix.

        La Justice est  une institution, respectable de fait, même si le respect se mérite plus qu'il ne se décrète.  Mais les femmes et les hommes qui la compose, avec leurs passions et leurs penchants humains naturels, sont-ils, peuvent-ils, être chacune et chacun pour  autant au dessus de toute critique,  parfois même au dessus des lois qu'ils prétendent défendre et dont ils choisissent à leur convenance les articles à appliquer ?

        Pourquoi donc la "justice" serait-elle la seule institution,... avec le Vatican, à prétendre ne jamais se tromper, ou presque ? Alors qu'elle ne fait que dire le droit. Et le droit contient si bien tout et son contraire.

        N'ayant bien sûr rien à cacher au peuple au nom duquel elle rend ses décisions, pourquoi donc la Justice refuse-t-elle obstinément toute exploitation médiatique moderne des débats qu'elle organise, loin de l'usage autorisé de scribes d'une époque ancienne et révolue ?

        Pourquoi donc la justice continue-t-elle à se repaître d'un langage hermétique au peuple de France, pour qui tout jargon obscur est susceptible d'appartenir à une société initiatique ?    

        Comme citoyen  français, je désire ardemment que mon pays ait une bonne Justice, une justice claire, rigoureuse, clairvoyante, moderne et apolitique, à l'écoute des changements profonds du monde et prête à avouer ses erreurs somme toute humaines lorsque le sort ou le destin d'un Homme est au centre d'un drame.

        Justice, comme je te crains pour tout ce que tu peux me faire, et comme je désirerais tant te respecter.

Jean Claude Boetsch