4.
ALTIMÉTRIE
4.1.
Les faits
* Le Commandant ASSELINE a déclaré ne
pouvoir s'expliquer que l'avion soit descendu plus bas que 100 pieds sans
qu'il s'en soit rendu compte. Il a notamment émis des doutes sur la prise
en compte correcte du calage altimétrique au moment du survol d'HABSHEIM,
en insistant sur le fait que les deux ordinateurs de bord ne
communiquaient pas entre eux en raison d'une anomalie dans la banque de
données, constatée sur le FMGC N02 lors d'un vol antérieur (réalisé par le
Commandant CHATELAIN).
* Les rapports de la Commission
d'enquête confirment:
- qu'un changement
intempestif de calage altimétrique au sol, porté sur le Compte-rendu
Mécanique de l'avion, s'est produit sur un vol effectué le matin même de
l'accident,
- que d'autres
incidents analogues au sol et en vol se sont déjà produits
sur d'autres avions de ce type et ont entraîné la publication, par le
constructeur d'un B.O.T. (Bulletin Opérationnel Technique).
* Le rapport d'AIR FRANCE concernant
l'activité de l'A 320 sur la première année d'exploitation signale un
phénomène considéré comme l'un des plus graves concernant l'existence de
modifications intempestives d'affichage altimétrique en vol sans que
l'origine de ces anomalies fugitives ait pu être détectée à ce jour.
* Cependant, le Président de la
Commission d'enquête, Mr BECHET, témoignant sur demande du Commandant
ASSELINE, au Conseil de discipline, a déclaré:
- qu'un changement inopiné des données
du FCU entraînant une modification du calage altimétrique lui paraissait
improbable,
- que la Commission d'Enquête n'a pas
retenu l'hypothèse émise par le Commandant ASSELINE portant sur un
défaut éventuel de calage altimétrique.
Les experts AUFFRAY/BOURGEOIS concluent
que l'impossibilité de transférer les informations d'un FMGC (Flight
Management Guidance Computor) à l'autre, n'a joué aucun rôle dans
l'accident et précisent:
- que les essais ultérieurs effectués
chez AIRBUS INDUSTRIE et analysés par les experts, ont permis de mettre
en évidence les conditions techniques simultanées nécessaires pour
obtenir la modification des valeurs sélectées et que ces conditions
n'étaient pas satisfaites, selon eux, lors du vol au dessus d'HABSHEIM.
- qu'aucun transfert électrique n'a
d'ailleurs été opéré (pilote automatique non engagé) et que lors de
l'arrivée en descente à 100 pieds barométrique annoncés par l'Officier
pilote, (annonce enregistrée dans le CVR), l'annonce orale automatique
de la sonde radio - altimétrique a été aussi de 100 pieds (annonce
également enregistrée sur le CVR).
- qu'il y a donc eu concordance de la
hauteur barométrique avec la hauteur sonde, indépendante, à 100 pieds,
donc pas de modification intempestive de l'affichage antérieur sur les
planches de bord.
* Les experts AUFFRAY/BOURGEOIS
reconnaissent cependant que la mesure d'altitude barométrique à grande
incidence de vol comporte, par principe, une erreur non négligeable, qui
s'ajoute à l'erreur d'affichage, à l'erreur de mesure au sol et à l'erreur
éventuelle de lecture.
* Les experts AUFFRAY/BOURGEOIS:
- semblent avoir
méconnu l'existence de deux bulletins (OEB) d'AIRBUS INDUSTRIE annonçant
un nouveau standard d'équipement, (qui ne serait d'ailleurs disponible
qu'à compter du mois d'Août 1988),
- n'ont pas relevé que les conditions
d'affichage altimétrique pour les équipages n'étaient pas conformes aux
règles de certification. En effet, celles -ci imposent que chacun des
pilotes dispose d'une source d'information autonome au plan de
l'altimétrie, alors qu'en l'espèce, les deux pilotes recevaient une
information identique. Ainsi donc, une information erronée pouvait être
répétée pour chacun des membres de l'équipage.
* En ce qui concerne les modifications
intempestives du calage altimétrique, la note manuscrite de Commandant
MERLOZ Chef de Division A320, du 13/07/88 signale que malgré les
améliorations apportées par SFENA, des anomalies peuvent subsister en vol
ou au sol, lors de transferts électriques ou tout engagement et
désengagement de l'un des systèmes d'aide au pilotage.
* En ce qui concerne le choix de la
référence "radio-sonde ou altimètre baroaltimétrique":
- Mr DELHAYE (rapporteur Conseil de
discipline) déclare que "le pilote, selon l'opinion du directeur des
Opérations Aériennes, aurait dû suivre les indications de la Radiosonde
sur l'écran de pilotage. Mais il admet que les indications sonores de la
radiosonde aient été difficiles a percevoir, bien que puissantes..."
- Mr ASSELINE déclare que
l'utilisation de la sonde n'a pas été retenue pour les raisons
suivantes:
. difficulté de maintenir un vol
horizontal,
. non dialogue entre les ordinateurs (FMGC),
ce jour là, sur cet avion,
. difficulté de lecture instrumentale
instantanée de la valeur de la sonde, variable en fonction du profil du
terrain de la bande survolée.
- Mr MAZIERES estime que la lecture de
la sonde lors du survol est peu exploitable et que sur cet avion il
n'est pas possible d'afficher une hauteur de décision sur un terrain qui
n'est pas dans la banque de données, sans manipulations longues
présentant des inconvénients importants.
4.2. Avis des experts
* Les experts BELOTTI et VENET font
remarquer que les informations radio altimétriques :
- sont difficilement utilisables
lors d'un palier sur un terrain non plan,
- sont difficilement lisibles dans
leur présentation digitale qui nécessite une lecture interprétative
relativement longue par rapport à une représentation analogique
classique qui permet une lecture instinctive et instantanée,
- sont difficilement audibles dans un
environnement bruyant du fait d'une forte ventilation des installations
électroniques obligeant les pilotes à porter le casque en permanence.
(Pour mémoire, une anomalie de conception fait que les indications
sonores de la radiosonde ne passent pas dans les écouteurs des casques.)
- traduisent toutes les irrégularités
du terrain, ce qui rend impensable un pilotage à la radiosonde.
* En ce qui concerne .la référence
d'altitude barométrique, les experts BELOTTI et VENET font remarquer:
- que les indications d'altitude
barométrique apparaissant sur les écrans cathodiques (PFD) ne
proviennent pas d'une source d'information directe mais sont recomposées
à partir de capteurs associés aux ordinateurs de bord.
- que l'enregistreur DFDR ne peut, à
aucun moment, faire apparaître les indications d'altitude lues par les
pilotes sur leurs écrans, mais seulement le résultat du calcul fait par
l'ordinateur à partir d'une référence standard. Le calcul de l'altitude
sur le vu du DFDR nécessite un calcul complexe et aléatoire dans ses
résultats.
* En conséquence, les experts BELOTTI et
VENET constatent que rien dans les pièces de la procédure ne permet:
- de savoir ce qui était effectivement
indiqué dans les fenêtres baroaltimétrique des écrans de pilotage (PFD)
placés devant les deux pilotes.
- d'écarter l'éventualité d'une
anomalie d'origine électrique (transfert) ayant pu provoquer une
différence soudaine et imperceptible par les pilotes, par rapport au
calage altimétrique affiché par eux lors de leur contact avec la Tour de
Contrôle d'HABSHEIM. En effet, il existe une contradiction entre:
. d'une part, les affirmations d'AIRBUS
INDUSTRIE, reprises par les experts AUFFRAY/BOURGEOIS, selon lesquelles
les causes d'origine électrique ayant provoqué des calages intempestifs
et aberrants des altimètres barométriques sont désormais parfaitement
identifiées et délimitées.
. et d'autre part, le contenu du
rapport de première année d'exploitation de l'A 320 à AIR FRANCE,
constatant que les modifications intempestives de calage altimétrique
relevées en vol avaient cessé avant que l'on ait pu formellement
identifier l'origine de cette anomalie.