1.
CHEMINEMENT DES ENREGISTREURS:
1.1.
Les faits
* Les enregistreurs DFDR et CVR
extraits de l'avion accidenté le 26 Juin 1988, bien que constituant - de
toute évidence - des pièces à conviction d'importance primordiale, n'ont
pas été placés sous scellés avant d'être confiés par Mr le Procureur de
la République à Mr TENENBAUM, Directeur Général de l'Aviation Civile. Ce
dernier les a acheminés par avion à VILLACOUBLAY, le soir même de
l'accident, en vue de leur exploitation immédiate aux fins de l'enquête
administrative et technique.
* Dès leur arrivée à
VILLACOUBLAY, les deux enregistreurs ont suivi des cheminements
différents, l'un (DFDR) vers le Centre d'Essais en Vol de BRETIGNY,
l'autre (CVR) vers le Bureau Enquêtes -Accidents à PARIS.
*
A l'exception de Mr GERARD, enquêteur de première
information, qui a prélevé les enregistreurs sur l'épave de l'A 320
accidenté, personne ne paraît avoir pris la précaution élémentaire de
relever le numéro d'identification gravé sur le boîtier du CVR,
préalablement à toute prise en charge, transport, stockage,
manipulation, ouverture et exploitation de son contenu.
*
Aucune des autorités au organismes ayant tour à
tour reçu la responsabilité de la garde des enregistreurs et/ou les
ayant exploités n'a tenu un registre précis des copies faites des
enregistrements et de leur diffusion.
* Malgré la réaction rapide de la
Justice à la suite de "fuites" constatées dans la Presse, dès le
lendemain de l'accident, (reproduisant en tout ou partie le contenu de
l'enregistrement des conversations au poste de pilotage de l'A 320
accidenté), les
diverses autorités ayant la garde des
enregistreurs et de leur précieux contenu n'ont déféré que le 6 Juillet
1989 à l'injonction qui leur avait été faite le 29 Juin 1988 de rendre
ceux -ci à l'autorité
judiciaire. La mise des enregistreurs sous main de justice
et l'apposition de scellés a été faite le 6 Juillet 1980.
* Lesdits enregistreurs et les bandes
magnétiques resteront, au total, sous main de justice, pendant six
jours, c'est- à- dire jusqu'au 13 Juillet 1988, date où ils sont confiés
par la Gendarmerie des Transports Aériens à l'expert AUFFRAY, sur sa
demande. Il n'apparaît pas dans son Rapport, ni dans aucun de ses compte
-rendus d'avancement de travaux, ni dans les Rapports et PV de
Gendarmerie, que cette prise de possession ait été accompagnée du
constat de l'intégrité des scellés et du relevé des numéros
d'identification des enregistreurs.
* La trace des enregistreurs
n'apparaît plus ensuite dans le dossier pendant près d'un an, jusqu'au
moment où Madame MARCONI, Juge d'Instruction, ordonne à la Gendarmerie
des Transports Aériens, le ler Juin 1989, "de se faire remettre auprès
de l'expert AUFFRAY le CVR, le DFDR avec les originaux et les copies des
bandes, ainsi que le listing définitif en 6 volumes". Pour mémoire, les
experts AUFFRAY et BOURGEOIS avaient remis leur Rapport Final le 7 Avril
1989.
* Lors de leur retour entre les mains
de la Justice, il ne semble pas:
- que de nouveaux scellés aient été
apposés sur les enregistreurs,
- qu'un constat de l'état des
premiers scellés ait été fait,
- que les numéros d'identification
gravés sur les boîtiers des enregistreurs aient été relevés.
* Les scellés étaient violés
lorsqu'ils ont été présentés par Mr
SENGELIN, Doyen des Juges d'Instruction au TGI de MULHOUSE, au
Commandant ASSELINE, sur sa demande, le 13 Avril 1990. Les clichés pris
par l'Identité Judiciaire ne font aucun doute à cet égard.
1.2.
Avis des experts
* Les experts BELOTTI et VENET font
les observations suivantes:
a) Les anomalies décrites ci -dessus
en ce qui concerne le cheminement des enregistreurs se cumulent
avec celles relevées au sujet des enregistrements. Il est
impossible de dire, au vu des pièces du dossier, combien de copies ont
été faites des bandes originales (en admettant que ces dernières
puissent être authentifiées comme telles après expertise), des diverses
transcriptions et listings, et quels en furent les destinataires
officiels ou "occasionnels".
b) Le défaut
de précautions ainsi constaté de la part des personnes ayant eu
successivement la garde des enregistreurs et des enregistrements fait
peser un doute sur le sérieux des procédures utilisées et sur la
validité des données extraites d' enregistrements dont l'authenticité
paraît difficilement démontrable.
c)
L'instruction Interministérielle du 3 Janvier 1953 définit les modalités
de la coordination de l'information judiciaire et de l'enquête technique
et administrative en cas d'accident aérien. Cette Instruction précise
notamment que "l’information judiciaire et les actes d'instruction
urgents ne doivent être entravés d'aucune manière."
En conséquence, il y a
donc lieu de faire les plus expresses réserves - jusqu'à plus ample
informé - quant à la validité des conclusions qui ont été tirées - tant
au niveau de l'enquête administrative que de l'expertise judiciaire - du
contenu des enregistrements CVR et DFDR, ceux -ci ne présentant pas les
garanties d'authenticité qui doivent être celles de pièces à conviction.