Rapport Venet - Belotti :

Synthèse globale condensée de l'existant

 
   

 

 
 

                    es enregistreurs:  le DFDR

2. DÉPOUILLEMENT DU DFDR:

2.1. L'enregistreur

* Le CEV a déclaré que les premières opérations de dépouillement se sont passées - de 02HOO à O8HOO du matin le 27 Juin 1988 - sans problème particulier, l'enregistreur étant en bon état, la cinématique étant parfaite, sans qu'aucune détérioration physique de la bande soit apparente.

* Selon le rapport du CEV du 18 Août 1988, d'autres opérations de dépouillement ont été faites plus tard sur cet enregistreur par le CEV (entre le 27 Juin et le 6 Juillet 1988, date où ils ont été placés sous scellés).

* Un dernier dépouillement du DFDR a eu lieu le 6 Juin 1989 au CEV en présence de Mr BOURGEOIS, expert spécialement commis par Ordonnance du Juge d'Instruction en date du 2 Juin 1989 pour "faire exécuter un printing complet et cohérent de la bande DFDR". Selon son rapport du 21 Juin 1989, la bande présente "de légères traces de pliures ou froissements".

* Le DFDR a été récupéré par la Gendarmerie des Transports Aériens aussitôt après ce dernier dépouillement. Il n'apparaît pas que de nouveaux scellés aient été apposés.

 

2. 2. Les Bandes

* La bande originale (boucle sans fin) ne comportait aucune détérioration physique (cf.supra). Elle a ensuite été "coupée juste après le premier galet gauche pour être récupérée". Le bien -fondé de cette coupure devra être vérifié auprès du constructeur FAIRCHILD, certains témoignages affirmant que ce dernier préconiserait de ne pas couper la bande et de la dépouiller directement en sortie de l'enregistreur utilisé comme banc de lecture.

* Cette coupure ne semble pas avoir été faite avec beaucoup de soins si l'on en juge par l'état ultérieurement constaté de la bande (cf.supra). Ses conséquences sur l'intégrité et la qualité des dernières secondes d'enregistrement paraissent en avoir irrémédiablement compromis l'exploitation.

* Les conditions d'identification, de stockage et de conservation de la bande originale ne sont pas précisées.

* Il n'est pas possible de savoir, au vu des pièces du dossier, combien de copies en ont été tirées et quels en ont été les destinataires. Tout au plus peut on estimer qu'une copie de la bande originale ou une copie d'une copie a pu être transmise aux organismes suivants dotés de dispositifs de lecture et cités dans divers rapports et PV:

- AIR FRANCE

- CFM International

- AIRBUS INDUSTRIES

Le CEV signale avoir transféré la bande originale "sur une bobine compatible avec les moyens de lecture, sans aucun problème particulier," et "n'avoir effectué aucune opération particulière sur la bande magnétique, hormis le collage des bandes amorces". La bande "reconditionnée" a ensuite été montée sur la platine de lecture FAIRCHILD de la station RESEDA du CEV.

* Un certain empirisme semble avoir présidé au choix des vitesses de lecture adoptées en vue de la restitution des paramètres enregistrés, et on ne sait pas combien de passages de cette bande ont été effectués.

* Une dernière lecture ou série de lectures a été faite le 6 Juin 1989, en exécution de la Commission Rogatoire ordonnée par le Juge MARCHIONI le 2 Juin 1980 (cf.supra).

* Dans son Rapport du 21 Juin 1909, Mr BOURGEOIS, expert spécialement commis pour cette opération, déclare que "la bande magnétique originale a été retrouvée dans un bon état général, mais qu'on y a toutefois de nouveau observé, sur les derniers centimètres, avant le point de coupure correspondant au début de la partie enregistrée, de légères traces de pliures au froissements". Pour mémoire, on notera que le "début de la partie enregistrée" correspond aussi - s'agissant d'une boucle sans fin - à la fin de la partie enregistrée, et qu'il semble que ces pliures aient été précédemment observées, ce qui n'apparaît pas sur les rapports et PV antérieurs et notamment dans le Rapport Final des experts judiciaires AUFFRAY et BOURGEOIS en date du 7 Avril 1909.

2.3. Les listings

* Il existe 5 liasses de listings dans le dossier des pièces de la procédure:

lère liasse (D 181 à D 186) datée du 27 Juin 1988

2ème liasse (D 2283 à D 2289) datée du 31 Mai 1988

3ème liasse (D 2290 à D 2296) datée du 27 Juin 1988

4ème liasse (D 22197 à D 21302) datée du 27 Juin 1988

5ème liasse (D 2304 à D 2311) datée du 6 Juin 1989

* Toutes les pages portent - à la date près - le même entête:

"ACCIDENT AIRBUS A320 DFDR 17MOOO-251 N03237 CEV LE date".

* Le numéro 3237 correspond au numéro d'identification relevé par Mr GERARD lorsqu'il a extrait les enregistreurs de l'épave le jour de l'accident.

* Chaque liasse comporte 6 Tomes de 9 à 24 pages chacun, chaque Tome correspondant à l'une des 6 pistes de l'enregistrement magnétique.

* Des différences considérables existent entre les 5 versions représentées par les 5 liasses, et il n'est pas possible - à ce stade de la contre-expertise - de savoir exactement sur quelle(s) version(s) se sont basés respectivement les experts AUFFRAY et BOURGEOIS, la Commission d'Enquête, la Commission d'Investigation AIR FRANCE, AIRBUS INDUSTRIES, CFM INTERNATIONAL et le Conseil de Discipline pour étayer leurs rapports, déclarations et décisions.

* Ces différences partent notamment sur:

- les bases de temps utilisées pour situer chaque évènement, mesurer les distances parcourues et les vitesses,

- la durée totale des enregistrements, notamment dans les dernières secondes du vol.

- la position géographique de l'avion en Latitude et longitude. A cet égard, la 2ème version comporte deux Tomes entiers de 9 pages chacun montrant l'avion aux environs du Lac Bangouelo dans le Nord -Ouest de la ZAMBIE,

- le nombre et la nature des paramètres enregistres.

* La 2ème version (celle qui situe l'avion en ZAMBIE) est datée du 31 Mai 1989, c'est –à -dire avant l'accident. Elle figure dans les pièces de la procédure avec une note du TGI indiquant qu'elle a été remise par Mr DE VILLENEUVE. Aucun des rapports ne fait état de cette anomalie pourtant criante.

* Les lère, 3ème et 4ème versions, bien que fort différentes les unes des autres, portent toutes la même date du 27 juin 1988. Bien qu'il s'agisse vraisemblablement d'un oubli de modifier l'entête, cela ne simplifie pas la tâche des contre -experts, deux ans après les faits.

* La 5ème version, effectuée au CEV le 6 Juin 19B9 sous contrôle direct de l'expert BOURGEOIS et de la Gendarmerie des Transports Aériens, est apparemment celle sur laquelle s'est finalement basée la Commission d'Enquête administrative et technique dont le président, Mr BECHET, était présent lors du dépouillement.

* Bien que ledit dépouillement ait eu lieu un an après l'accident, il aurait été envisageable d'utiliser cette 5ème version comme base d'analyse aux fins de la présente contre -expertise si aucune ambiguïté ne subsistait aujourd'hui au sujet de l'intégrité des scellés. Or c'est loin d'être le cas.

2.4.Les experts BELOTTI et VENET font les observations suivantes:

a) Une analyse exhaustive et comparative de ces cinq versions serait - certes - possible mais nécessiterait un travail considérable de la part des contre - experts, et il n'est pas certain que ce travail ait une utilité, dans la mesure où chacun des précédents utilisateurs s'est servi de listings différents pour étayer ses arguments quand à la détermination des faits.

b) On notera que le rapport final des experts AUFFRAY et BOURGEOIS, clos le 7 Avril 1989 après qu'ils aient librement disposé des enregistreurs et des enregistrements pendant 9 mois, est basé sur l'une ou plusieurs des quatre premières versions, alors que le Rapport final de la Commission d'Enquête de l'Administration de l'Aviation Civile semble s'appuyer, dans son ultime rédaction du 29 Novembre 1989, sur la 5ème version.

c) Ceci n'a rien d'étonnant dans la mesure où celle -ci n'a rendu son Rapport que le 29 Novembre 1989, bénéficiant du résultat d'enregistrements postérieurs à la clôture du Rapport des premiers experts judiciaires, et ayant eu accès à des renseignements et à des dires dont les experts judiciaires n'avaient pu - et pour cause - avoir connaissance.

d) Ce Rapport du 29 Novembre 1989 n'étant toujours pas publié au Journal Officiel à ce jour, il y a lieu de s'interroger sur l'étrangeté sans précédent de ce décalage entre la clôture des deux rapports, l'enquête technique et administrative devant normalement - en toute logique - être close avant l’enquête judiciaire, afin de permettre à cette dernière de s’appuyer – autant que possible – sur le Rapport d’enquête technique.

Pour toutes ces raisons, les experts BELOTTI et VENET considèrent qu'il est nécessaire de reprendre en totalité les opérations de dépouillement et d'analyse des enregistrements à partir de la bande originale, à condition de parvenir à l'authentifier avec certitude.

* Un plan d'actions appropriées, comportant notamment l'examen des scellés ainsi que diverses expertises nouvelles des enregistreurs et des bandes, sera soumis prochainement à Mme le Juge MARCHIONI.