Le rapport de C Roger - deuxième partie

 
   
 

 

2éme partie 

LES PHOTOS ATTESTANT DE

LA SUBSTITUTION DES ENREGISTREURS


 

Après le jugement de correctionnelle du 14 mars 1997, il apparut à la défense que la Justice était impressionnée par les expertises fournies par l’accusation et qu’elle manifestait quelques réticences, si l’on peut employer cet euphémisme, à admettre que les enregistreurs avaient pu être truqués. Michel ASSELINE entreprit donc de rechercher toutes les photos de presse liées à cet accident, pendant que le Commandant Christian ROGER entreprenait une contre-expertise minutieuse de l’enquête menée par les deux experts judiciaires MM. VENET et BELOTTI.

 Michel ASSELINE identifia ainsi l’agence de photo SIPAPRESS, dont trois photographes se trouvaient à bord d’un hélicoptère qui survola longuement le site dans les heures qui suivirent l’accident. Le Pdg de cette agence confia des diapos des quelques dizaines de photos prises. Elles furent examinées soigneusement, ce qui permit de découvrir celle où l’on voyait un homme porter des enregistreurs de vol à côté de l’épave.

 Il existe deux enregistreurs de vol sur les avions de ligne :

            - le CVR (Cockpit Voice Recorder), qui enregistre les bruits au poste de pilotage et les conversations radio.

            - le DFDR (Digital Flight Data Recorder), qui enregistre 209 paramètres de l’avion.

 Les enregistreurs sont munis de bandes blanches pour un meilleur repérage sous l’eau.

 Michel ASSELINE et ses conseils constatèrent une différence fondamentale entre la photo des enregistreurs prise au Tribunal de COLMAR en 1996 et celle découverte chez SIPAPRESS et qui montre les enregistreurs portés à proximité de l’épave par M. GERARD, chef de district de la DGAC.

 

Sur la photo prise en hélicoptère au-dessus de l’accident, les bandes banches de l’enregistreur DFDR sont larges et perpendiculaires aux arêtes, tandis que sur le DFDR aux mains du Tribunal, elles sont en diagonales ! (voir photos N° 2 et 3 de ce présent document).

Les enregistreurs aux mains du Tribunal ne pouvaient donc pas être ceux qui ont été prélevés sur l’avion et c’est donc en toute logique que, dès l’ouverture des débats, la défense du pilote demanda à la Cour d’appel que ces photos soient expertisées.

 

 

En toute logique, et dès l’ouverture du procès en Cour d’Appel à COLMAR en janvier 1998, la défense de Michel ASSELINE demanda le report du procès pour complément d’information, au vu de ces photos et du rapport de contre-enquête du Commandant ROGER, accablant pour les experts judiciaires VENET et BELOTTI.

 La Cour ayant décidé que cette demande serait examinée au cours des débats, Michel ASSELINE, son avocat Jean Michel AGRON et leur expert Christian ROGER ont quitté la salle dès le premier jour.

Aucune certitude ne leur ayant était donnée qu’une expertise serait effectuée, il était vain de batailler pendant des jours sur un dossier dont ils avaient la certitude qu’il reposait sur des enregistreurs qui n’étaient pas ceux de l’avion accidenté.

 Dans une lettre à la Cour d’Appel, pour expliquer son refus de témoigner dans ces conditions, Christian ROGER avait souligné que dans un dialogue de sourds entre des experts aux avis contraires, les magistrats de la Cour n’avaient pas la technicité pour trouver à coup sûr la vérité sans faire appel à une expertise extérieure.

 Il est remarquable qu’en ce qui concerne le crash d’un autre A.320 au Mont St ODILE, à 50 km d’HABSHEIM, la chambre d’accusation a rendu le 14 mai 1998 un arrêt qui impose que, du fait des divergences entre les experts VENET et BELOTTI, il soit procédé à une nouvelle expertise pour arbitrer entre les deux thèses. Ce lever de doute qui est jugé indispensable pour ST ODILE n’a pas été jugé nécessaire pour HABSHEIM !

 Notons également que la chambre d’accusation a jugé irrecevable la demande de non lieu présentée par M. GOURGEON, actuel Directeur Général d’AIR FRANCE, mis en examen, qui était Directeur de l’Aviation Civile lors du crash de St ODILE.

 L’avocat général de la Cour d’appel ayant argué dès la présentation de ces photos qu’elles pouvaient être des faux, et devant l’incertitude de la Cour sur une éventuelle expertise qui aurait permis de lever ce doute, Michel ASSELINE sollicita l’Institut de Police Scientifique et de Criminologie de LAUSANNE, (IPSC), qui fait autorité dans le monde entier.

En particulier, de nombreux experts français ont été formés par cet Institut, dont certains experts de l’IRCGN (Institut de recherches criminelles de la gendarmerie française) .

           Cette demande d’expertise fut appuyée le 23 janvier 1998 par une lettre du Président du SNPL à la Cour d’Appel.

 De son côté, Michel ASSELINE informa la Présidente de la Cour d’Appel du lancement de cette expertise.

 Le rapport des experts VENET et BELOTTI sur ces photos

Le 29 janvier 1998, lors des audiences de la Cour d’Appel, les experts VENET et BELOTTI remirent à la Cour un rapport concernant l’analyse qu’ils faisaient de ces photos, qui concluait que :

          - Pour le CVR (Cockpit Voice Recorder) : « la face visible sur la gauche est la face gauche du boîtier et comporte des bandes réfléchissantes. En dépit du « grain » important de ce cliché, l’examen à la loupe révèle que cette face est dotée de deux bandes blanches réfléchissantes blanches parallèles entre elles, distantes d’une dizaine de centimètres et orientées selon un angle d’environ 20° par rapport à la face arrière du boîtier (la face la plus proche du sol). »

- Pour le DFDR et sa face visible sur la photo : « cette surface est dotée de deux bandes blanches réfléchissantes parallèles entre elles et orientées selon un angle d’environ 20°par rapport au plan de la face arrière du boîtier (la face la plus proche du sol). La distance est beaucoup plus importante que sur le CVR, comme sur le DFDR N° 3237 expertisé. »

Les experts concluaient que ce dossier « n’était pas de nature à modifier leur avis selon lequel les enregistreurs qui leur avaient été remis pour expertise sont authentiques et sont ceux qui équipaient l’avion accidenté ».

La réfutation de ce rapport par Christian ROGER

Avant qu’elle ne prononce son arrêt, Christian ROGER a produit auprès de la Cour d’Appel une réfutation de ce rapport de MM. VENET-BELOTTI.

Il faut souligner que pour l’analyse de photos « à la loupe », ces experts en aéronautique n’ont strictement aucune autre compétence que celle de n’importe quel observateur muni de bons yeux et de bonne foi.

 Quelques extraits de la réfutation par Christian ROGER :

- Concernant le CVR : alors que les autres observateurs ne parviennent pas à déterminer la forme exacte de la tache blanche figurant sur le CVR, que ce soit à la loupe ou par agrandissement scanérisé, il est singulier que les experts identifient « deux bandes réfléchissantes blanches parallèles entre elles, distantes d’une dizaine de centimètres et orientées selon un angle de 20° environ. »

Pour sa part, soucieux de rigueur scientifique, le laboratoire de criminologie de LAUSANNE n’a pas voulu étudier les taches sur le CVR, ne voulant impliquer son expertise que sur des faits irréfutables. L’examen de la photo agrandie de ce CVR produite par l’IPSC montre une tache informe sur laquelle il serait vain d’essayer de discerner des lignes droites quelconques. (voir Photo N° 4 de ce présent document).

En affirmant distinguer sur ce CVR des bandes de dimensions et orientations précises, MM. VENET et BELOTTI ont fait une conclusion dont les observateurs de bonne foi se demandent sur quels éléments objectifs elle peut être appuyée !

            - Concernant le DFDR : la réfutation soulignait que l’arête du boîtier DFDR proche du sol, prise comme référence par MM. VENET-BELOTTI, ne pouvait être utilisée. En effet, chacun voit bien sur la photo N°2 que par un phénomène d’ombre, la limite apparente du DFDR ne correspond pas à l’arête du fond de son boîtier. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer aux arêtes verticales du boîtier, qui sont parfaitement discernables et qui montrent à l’évidence que ces bandes du DFDR sont perpendiculaires aux arêtes et non pas à 20° d’inclinaison par rapport à celles-ci.

On s’interroge sur les raisons qui ont amené MM. VENET et BELOTTI à prendre en compte une référence inexploitable et à écarter les arêtes verticales, si aisément visibles sur la photo contestée.

Dans ce même rapport, MM. VENET et BELOTTI font grand cas d’une photo d’un DFDR d’un des A.320 d’AIR FRANCE prise en 1997, publiée dans le rapport de contre-expertise ROGER fourni à la Cour et qui présentait des bandes blanches perpendiculaires aux arêtes du boîtier. Le rapport de contre-expertise faisait état de la mise en service de l’avion en 1990 et de la date de prise de vue de la photo en 1997, ce qui ne laissait donc aucune ambiguïté sur les dates.

Bien entendu, cette photo n’avait pour objet que de montrer que les enregistreurs peuvent être munis de bandes perpendiculaires aux arêtes, mais les experts VENET et BELOTTI ont essayé d’en tirer l’argument que l’on avait tenté de tromper la Cour.

Vaine querelle, car après l’expertise suisse, il est désormais acquis qu’il existait à l’époque de l’accident des DFDR munis de bandes blanches perpendiculaires aux arêtes du boîtier.

La Cour d’Appel n’a retenu que le rapport de MM. VENET-BELOTTI pour asseoir son arrêt.

- la Cour n’a tenu aucun compte de la réfutation de ce rapport par Christian ROGER, dont l’argumentation a été pourtant corroborée par l’expertise scientifique de l’IPSC.

- elle a rejeté la demande du SNPL d’expertise des photos.

- elle a rejeté la demande d’expertise faite par le Vice Pdt de l’association des victimes, JC BOETSCH.

Cette association de victimes a déposé fin juin une plainte pour faux en écriture publique.

- elle a refusé de prendre en considération la lettre de l’avocat de Michel ASSELINE, Maître AGRON, qui signalait que l’expertise de LAUSANNE allait sortir un mois après la date de jugement fixée par la Cour.

 

Dans une affaire qui dure depuis dix ans, rien ne justifiait une telle précipitation et ce refus de la Cour. On pouvait sans difficultés attendre un mois de plus pour prendre en compte, éventuellement, un élément nouveau crucial qui aurait mis à bas toute l’enquête.

Cette hâte fut préjudiciable à l’établissement de la vérité, puisque l’expertise menée par l’Institut de LAUSANNE a balayées les affirmations de MM VENET et BELOTTI, qui ont  permis à la Cour de justifier son refus d’expertise et de formuler un jugement de condamnation.

L’IPSC a rendu son rapport définitif le 19 mai 1998 et les résultats en sont accablants pour la thèse officielle, puisqu’ils confirment que les enregistreurs aux mains de la Justice ne peuvent être les mêmes que ceux portés à quelques mètres de l’épave par M. GERARD, Chef de district DGAC d’Alsace, qui était chargé de prélever ces enregistreurs.

Nul doute qu’au vu du résultat de l’expertise suisse, cette attente aurait imposé d’aboutir à un jugement différent, sous peine d’erreur judiciaire.

 

 

 

LES RESULTATS DE L’EXPERTISE DE L’INSTITUT DE POLICE SCIENTIFIQUE DE LAUSANNE

 

 

Nous donnons ci-dessous les éléments essentiels de cette expertise. Quant à la méthode, l’IPSC a procédé en deux étapes :

            - 1°) vérification de l’authenticité des clichés

L’analyse des couches de gélatine de la pellicule a été faite par étude macroscopique, aux limites de résolution maximale. On cherchait ainsi à mettre en évidence d’éventuelles altérations des points images (taches de couleur dans la gélatine), qui auraient pu résulter d’une manipulation numérique par ordinateur, ou d’altérations sur la gélatine elle-même.

Il a été procédé aussi à une étude de continuité des différentes diapos et « aucune manipulation manuelle n’a pu être constatée ».

« La société KODAK a confirmé que la pellicule originale utilisée avait été mise en service début 1988 », quelques mois avant l’accident.

« Toute manipulation visant à modifier une image diapositive sur un cliché original impliquerait un travail en profondeur et sur des couches déterminées de l’émulsion. Un tel travail apparaîtrait soit en surface, soit en profondeur. ». (NdR : c’est nous qui mettons en gras).

« Tous ces éléments combinés militent en faveur de l’originalité du cliché litigieux. »

NdR : celui contesté par l’avocat général et les experts VENET et BELOTTI.

            - 2°) Etude des détails sur le DFDR

Il s’agissait de savoir si les bandes blanches figurant sur le DFDR de la photo accusatrice étaient inclinées ou perpendiculaires aux arêtes.

Pour ce faire on projeta la diapositive à grande échelle sur une distance variant de 15 à 25 mètres et deux groupes d’observateurs furent requis :

- le premier groupe de 17 membres, pour pointer avec une règle sur l’écran les orientations des taches blanches qu’ils percevaient et les arêtes verticales du boîtier du DFDR.

- le second groupe de 21 personnes eut la charge d’orienter sur l’écran des points lumineux fixés sur une droite et qu’ils alignaient sur les lignes droites qu’ils percevaient.

Ces observateurs étaient soit des enseignants de l’IPSC, soit des étudiants de cet institut. Aucun ne savait quel était l’objet de ces observations.

Les relevés firent l’objet de calculs trigonométriques et de statistiques, ce qui permit de montrer que les observateurs voyaient bien une zone blanche à l’arrière du DFDR (en bas sur la photo), perpendiculaire aux arêtes verticales du boîtier.

« Ces mesures s'intègrent parfaitement dans une construction logique où les limites de la zone blanche sont perpendiculaires aux côtés. Les erreurs et le domaine de confiance montrent une variation inférieure à 1,5° (cf. résultats statistiques, vide supra) et toute observation faisant état d'un angle différent de ces limites constitue un résultat inexplicable par la géométrie descriptive. » ( NdR : c’est nous qui mettons en gras et qui soulignons dans ce paragraphe). 

« L'assertion des experts BELOTTI et VENET citant un angle de 20° n'est pas compréhensible. »

(NdR : c’est nous qui soulignons).

« Si, comme il l'a été affirmé, le scellé DFDR à disposition du Tribunal ne porte pas de bande blanche perpendiculaire aux faces allongées étroites, 2 hypothèses s'imposent:

- Monsieur GERARD ne porte pas le DFDR de l'AIRBUS A 320 accidenté

- le DFDR au Tribunal n'est pas celui de l'AIRBUS A 320 accidenté »

(NdR : c’est nous qui encadrons)

« En l'état, il est donc possible de conclure et répondre aux questions posées. »

Conclusions

« a) Nous concluons à l'authenticité et à l’originalité du cliché remis (diapositive n° 12, scellé n° 1 effectué par nos soins). »

« b) Aucune manipulation manuelle n'a pu être mise en évidence sur la gélatine ou le support dans les zones comprenant les DFDR et CVR et Monsieur Gérard (qui porte ces enregistreurs de vol). Les mesures permettant de vérifier une éventuelle contradiction avec des pièces existantes montrent une face de l’enregistreur DFDR comportant une zone blanche perpendiculaire aux longs côtés dans sa partie inférieure. L’enregistreur sur cette image ne peut pas correspondre à un enregistreur qui n'a pas de bande blanche perpendiculaire aux tranches. »

« c) La résolution a pu être mieux exploitée. Des agrandissements jusqu'à la limite des points-images permettent une meilleure perception et délimitation des éléments litigieux. »

« Fait à Lausanne, le 18 mai 1998 en collaboration avec le professeur Christophe CHAMPOD (statistiques), et Messieurs Egon BAROSSO, assistant diplômé, Eric SAPIN, photographe-enseignant et Eric DURST, aide préparateur-photographe. »

« Signé :Professeur PIERRE MARGOT

Professeur à la Faculté de Droit de l'Université de Lausanne,

Directeur de l'Institut de Police Scientifique et de Criminologie.

Nota : l’IPSC a conservé sous scellés les originaux de son expertise, à la disposition éventuelle de la Justice française.

 

En écrivant dans leur rapport du 29 janvier 1998 à la Cour d’appel des affirmations notoirement inexactes, MM. VENET et BELOTTI ont influencé la Cour de façon telle qu’elle a condamné Michel ASSELINE.

S’ils avaient déclaré voir des bandes perpendiculaires sur le DFDR, ces experts auraient remis en cause l’ensemble de leurs années d’enquête et la Cour aurait été dans l’impossibilité de prononcer ce jugement.

 

NOTA : le rapport intégral de l’Institut de Police Scientifique et Criminelle de LAUSANNE peut être fourni par le SNPL contre la somme de 80 francs franco de port (50 pages de textes - 20 photos couleur). Tel : 01 49 42 20 84