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5éme partie
LE
PROCESSUS DE FALSIFICATION
DU CONTENU DES BANDES DES
ENREGISTREURS
POURQUOI LA NÉCESSITE D’UNE FALSIFICATION :
UNE DÉFAILLANCE DE L’AVION ?
Si l’avion avait bien fonctionné, il n’y
avait aucune raison de trouver de si nombreuses traces de la
falsification des bandes CVR et DFDR. Si elles sont là, c’est qu’il y
avait quelque chose à dissimuler et ce pouvait être qu'une défaillance
de l’avion.
Sur la nature de cette défaillance, on
ne peut formuler que des hypothèses, à moins que l’on remette un jour
la main sur les bandes originales
La cause majeure à envisager et qui
conduisaient à la nécessité d’une falsification a probablement été une
anomalie de reprise des moteurs, provenant de leurs commandes
informatisées ou d’anomalies internes aux moteurs, affectant un seul
ou les deux.
Nous allons étudier les données
objectives dont nous disposons qui pouvaient conduire à certaines
pannes.
La défaillance de l’avion ne fut
pas la seule cause de cet accident, mais rien ne permet d’écarter
l’idée que cette panne fut l’élément final qui transforma en
catastrophe ce qui n’aurait dû qu’être une frayeur d’un passage trop
près des arbres.
On n’aurait pas entrepris ces
opérations de falsification, si la panne détectée n’avait pas eu
d’influence sur le résultat final du vol.
On n’aurait pas entrepris une
substitution des enregistreurs, si une possibilité de panne majeure
n’avait pas été admise par ses instigateurs.
La poussée était dissymétrique avant l’impact sur les arbres :
c’est la preuve d’une anomalie de moteur ou de leurs commandes
électroniques
L’examen des photos aériennes montre que
l’avion surfe sur le sommet des arbres avant de s’enfoncer dans la
forêt. Sous l’effet du souffle des réacteurs, la cime des arbres se
casse et il apparaît que les saignées faites par ces moteurs
sont dissymétriques, ce qui implique que la poussée l’était aussi.
Chose bizarre, c’est sur ordre du Bureau
d’Enquête Accidents (BEA) que la forêt fut rasée trois jours après
l’accident, alors que l’étude de la façon dont était cassée la cime
des arbres n’était pas effectuée, ce qui aurait montré assurément des
choses précieuses sur la poussée. Le BEA prétendit que la demande
de coupe avait été faite par l’ONF, ce qui était faux.
Le responsable des Eaux et Forêts a
témoigné qu’il n’y avait aucune raison écologique à cette coupe hâtive
et que c’est bien sur la demande du BEA qu’elle fut effectuée.
Heureusement pour la manifestation de la vérité, cet homme a fait un
relevé des saignées des moteurs et de l’avion, qui montre que la
saignée du réacteur gauche dans les arbres est à 11m de haut et celle
du droit à 8,5m.
L’enquête a établi que l’inclinaison de
l’avion était de 1°, ce qui ne peut expliquer cette différence de 2,5
m
Ceci est la preuve que la poussée
dissymétrique était déjà établie à l’impact sur les arbres. Le
réacteur gauche était au ralenti et le droit en poussée forte.
Il est singulier que sur un tel
indice, aucun enquêteur ou expert n’ait considéré que la poussée ne
pouvait être que dissymétrique !
Sur cette défaillance de moteur, les
hypothèses suivantes peuvent être formulées :
1 ére hypothèse : panne de
vannes VSV
Sur un moteur à réaction, l'écoulement
de l'air autour des ailettes du compresseur du réacteur est régi par
les lois de l'aérodynamique. Il est tout à fait comparable à celui de
l'air autour d'une aile d'avion. Lorsque l'angle entre les ailettes du
compresseur et la vitesse de l’écoulement de l’air autour d’elles
(incidence) devient trop grand, il y a décrochage des filets d’air, ce
qui produit un phénomène appelé pompage. Le réacteur perd alors toute
puissance. Il est le plus souvent endommagé. Le pompage s'accompagne
de manifestations sonores ressemblant à des détonations sourdes.
Sur les réacteurs CFM 56 de l'A.320, qui
sont fabriqués conjointement par la SNECMA et GENERAL ELECTRIC, les
entrées d’air comportent un dispositif permettant de régulariser
l'écoulement de l'air au travers du compresseur pour éviter ce
pompage. Il est constitué de ces aubes de stator à calage variable,
VSV (Variable Stator Valves). Ces aubes sont positionnées par un vérin
hydraulique actionné par du carburant sous pression, en fonction du
régime réacteur.
Si ces aubes ne sortent pas de la
position ralenti, parce que la pression du vérin est trop faible par
exemple, le réacteur ne peut pas accélérer. Il y a stagnation du
régime du moteur.
Si elles ne suivent pas correctement la
montée en régime du réacteur, toujours du fait d’un manque de
puissance du vérin qui les actionne, il y a pompage.
Un mois avant l’accident, AIRBUS a édité
un bulletin technique (OEB 19/1) qui signalait une déficience
d’accélération des moteurs à basse altitude, dont l’origine était une
déficience des vannes VSV (Variable Stator Vannes).
Selon AIRBUS, la pression fournie par
les vérins était insuffisante et elle fut portée de 284 à 380 livres
dans les mois qui suivirent l’accident.
Les charges aérodynamiques à l’entrée
des compresseurs étaient élevées du fait du grand angle d'incidence de
l’avion d’HABSHEIM, qui n'avait pas reçu cette modification. Les
conditions d'une stagnation de régime ou d’un pompage étaient réunies.
AIRBUS ajoutait dans cette note
technique : « il est improbable qu’un tel problème puisse
intervenir lorsque l’avion est à faible vitesse ». Improbable
ne signifie pas pour autant un risque nul de trouver ce retard de
poussée à faible vitesse.
Une nouvelle note fut publiée par AIRBUS
sur le même sujet deux mois après l’accident (OEB 19/2) qui
signalait un manque d’accélération moteur à basse altitude, qui
pouvait affecter tous les avions et n’excluait pas la possibilité
que cela puisse affecter les deux moteurs simultanément.
En cas de panne des VSV, l’alarme « Compressor
Vanne Default » est inhibée en dessous de 800 pieds et les pilotes
d’HABSHEIM ne pouvaient donc pas être informés de cette éventuelle
panne.
Le défaut d’accélération d’un moteur par
manque de puissance des vérins des VSV est donc une hypothèse majeure
de la cause finale de l’accident. Les traces rémanentes indubitables
d’une poussée dissymétriques témoignent de la probabilité de cette
hypothèse.
Si le motoriste a augmenté la
puissance des vérins de 284 à 380 livres, c’est qu’il y avait un
problème de panne potentielle.
Sur les deux A.320 présents à AIR FRANCE
le mois suivant l’accident, il apparut lors d’une inspection que :
- un moteur a été changé pour palier
défectueux.
- deux sont restés en activité parce
que le constructeur a autorisé ces réacteurs à voler avec une pression
des vérins de VSV les dispensant d’application de l’OEB 19/2 qui
portait la pression à 380 livres et qui prenait effet le mois même de
cette décision surprenante .
- le rapport ne précise pas ce qu’est
devenu le quatrième moteur.
Cette procédure insolite et contraire à
la prudence avait l’avantage insigne de ne pas paraître entériner une
possibilité de panne sur les moteurs du A.320 d’HABSHEIM.
L’expertise des moteurs a été
confiée à son fabricant, sans qu’aucun expert en moteurs ne puisse
venir apporter de possibles objections aux conclusions de cette
enquête juge et partie.
Pour notre part, nous constatons
que selon les enquêteurs, le seul A.320 sur lequel avaient été
montés des réacteurs en parfait état fut celui de l'accident !
2éme hypothèse :
panne de l’informatique de commande des moteurs
Dans la quête de la vérité, on ne peut
exclure non plus que l’anomalie provienne d’un défaut informatique.
Sur cet avion, il n’y a pas de liaison
mécanique entre les moteurs et les manettes des gaz mues par le
pilote. Les ordres transmis aux moteurs par action sur les manettes
des gaz sont élaborés dans les calculateurs d'auto-poussée, en
fonction de l’engagement des différents modes de commande des moteurs.
Ces engagements peuvent se faire manuellement par les manettes des
gaz, mais il existe aussi des engagements automatiques commandés par
le pilote automatique ou les systèmes de protection.
Un retard dans la transmission de
l'ordre d'accélération donné aux moteurs par les ordinateurs a pu
provoquer un retard de poussée à la remise de gaz et affecter un seul
ou les deux moteurs simultanément.
- a) Possibilité de panne du N1
Command
Sur les instruments de contrôle
électroniques qu’ils ont devant eux, les pilotes peuvent vérifier une
indication appelée « N1 Command » (le N1 correspond à la
vitesse du compresseur ; il est exprimé en pourcentage de la vitesse
de rotation maximale de celui-ci).
Quand l’avion marche normalement, le
déplacement de la manette des gaz par le pilote entraîne
instantanément l’affichage du « N1 command »
correspondant sur le tableau de bord. Le pilote est ainsi assuré que
son mouvement des manettes des gaz a été pris en compte par
l’ordinateur.
Sur les listings de paramètres issus de
la bande DFDR officielle d’HABSHEIM, nous avons constaté plusieurs
anomalies de fonctionnement de cette auto-poussée :
- le calculateur d'auto-poussée demande
d’abord intempestivement de positionner les manettes dans le cran
Climb (Montée) en plein décollage, l’avion roulant encore sur la
piste, alors qu’il n’y avait aucune justification à cette demande.
- il s'est ensuite engagé de lui-même en
mode de maintien de vitesse (speed), alors que les pilotes ne lui
avaient rien demandé.
- on constate plusieurs réactions
anormales du N1 Command par rapport à l’ordre donné par le pilote avec
ses manettes des gaz.
A 12h 42 08, TGEN 468, (le TGEN ou temps
généré est le temps de écoulé depuis un point de référence choisi
arbitrairement, comme le départ du parking par exemple) :
On constate à ce top un retard de 2
secondes à un ordre d’augmentation de poussée (décalage entre
le mouvement des manettes et l’affichage du N1 sur le tableau de
bord).
Et pourtant, cet affichage de N1 doit
être instantané lors du mouvement des manettes des gaz.
En toute mauvaise foi, le rapport de la
Commission administrative déclare : « à aucun moment, il n’y a sur
le DFDR de mouvement de manettes qui ne soit immédiatement suivi de
l’effet correspondant pour le N1 Command ».
C’est faux,
puisque que ce cas a bien été enregistré. (TGEN 466).
Ces anomalies indiquent à
l’évidence que le système d’auto-poussée de l’avion accidenté
réagissait de façon incertaine, et il est évident pour tous les
observateurs que dans un avion de ligne, on ne peut se satisfaire
d’un système fantasque, surtout pour ce qui concerne la commande
électronique de la poussée des réacteurs.
Quelques années après l’accident, le
service Analyse des Vols d’AIR FRANCE a étudié une remise de gaz
difficile d’un A.320, par fort vent turbulent (cas 20-14- Bulletin de
Sécurité des vols N°21). Lors de cet accident évité, il s’est passé
6 à 8 secondes entre le mouvement des manettes de poussée et le
début d’évolution de cette poussée, ce qui avait d’ailleurs
amené le copilote à déclarer qu’il pensait que le CdB voulait reposer
l’avion!
Et pourtant, dans ce cas, il faut
noter que la remise de gaz n’avait pas été initialisée à partir des
29% du ralenti vol, mais des 65% environ de la poussée d’approche,
c’est à dire que la reprise des moteurs aurait dû se faire en UNE
seconde.
On s’étonne que les raisons d’un
retard aussi grave de la mise en poussée n’aient pas été analysées
de façon plus approfondie par AIR FRANCE, surtout pendant qu’une
enquête sur HABSHEIM était en cours.
- b) Possibilité de passage en
vol de la poussée en valeur de ralenti sol
Pour diminuer la consommation carburant,
les constructeurs ramènent le ralenti des réacteurs en vol à la valeur
minimale. Toutefois, ils sont obligés de le mettre à un niveau
suffisamment élevé pour que la reprise des moteurs se fasse en un
délai convenable, d’où un ralenti vol qui est à 29% de la poussée
maximale sur le A.320.
Au sol, ce ralenti est trop fort pour le
roulage et obligerait à freiner constamment, il est donc diminué à
22%. Si l’on part durant un vol de ce ralenti SOL pour appliquer la
poussée de remise de gaz, il est évident que celle-ci s’obtiendra en
un temps plus long.
La bande DFDR officielle fait état
d’un passage anormal du N1 Command en position Ralenti SOL 85 secondes
avant l’impact sur les arbres.
A 12h 44 14, le N1 command passe sur le
ralenti sol pendant deux secondes au moins, au lieu du
ralenti vol qui lui était demandé (22% de poussée au lieu
de 29%).
Si la poussée a été retardée par le
passage en ralenti sol au lieu de vol, ce retard a pu
être la raison finale de l’accident. Rappelons qu’il n’a manqué que
quatre mètres de hauteur à l’avion, c’est à dire 1 à 2 secondes de
poussée installée.
Puisque cette anomalie s’est
produite 85 secondes avant l’impact, comment pourrait-on exclure que
ce même incident ne s’est pas renouvelé à la remise de gaz
déclenchée par le Cdt ASSELINE ?
D’autre part, un Commandant de bord d’AIR
FRANCE a écrit une lettre décrivant un retard à la remise en poussée
lors d’une remise des gaz dans un atterrissage « Touch and Go »
(remise de gaz après atterrissage). Cet instructeur détaché
chez AIRBUS avait attribué cette anomalie à un passage intempestif en
fonction ralenti sol.
Nous sommes là dans des hypothèses
possibles de cet accident et l’on s’étonnera qu’à aucun moment, les
nombreuses personnes qui ont travaillé pour rechercher la vérité sur
cet accident au sein de la Commission d’enquête administrative ou de
l’enquête judiciaire ne signalent ces anomalies.
En conclusion sur cette description des
problèmes de moteurs sur les A.320 lors de la mise en service de
l’avion, on constate donc que des possibilités qui ne peuvent être
négligées étaient réunies pour avoir une panne sur l’un des réacteurs
ou les deux.
LA FALSIFICATION DES LISTINGS DE PARAMETRES
Le listing tiré le soir de l’accident
est un monument d’anomalies !
Sur un enregistreur de paramètres,
l’analyse des données du vol passe par l’édition de listings
informatiques qui reproduisent ces données seconde par seconde.
Certains paramètres sont enregistrés toutes les secondes et d’autres
toutes les 2 ou 4 secondes, selon leur importance. Chaque ligne de
données donne donc un certain nombre des 209 paramètres enregistrés.
Par une indiscrétion fort opportune et
d’origine inconnue, Michel ASSELINE reçut dans sa boite à lettres une
copie du listing de la fin du vol, tel qu’il fut tiré le soir de
l’accident. Cela permit aux pilotes de flairer tout de suite une
supercherie.
Si ce listing représentait la
réalité, il faudrait constater que le DFDR a eu peur des arbres !
Pendant les 275 secondes qui suivent le
décollage, le DFDR enregistre quelques anomalies. Après cela, il reste
14 secondes avant l’impact sur les arbres, et notre DFDR devient
très anxieux puisque durant ces 14 secondes :
- 4 secondes ne font l’objet d’aucun
enregistrement. On remarque
en particulier à cet endroit une forte discontinuité de la régression
de vitesse qui passe de 140 à 123 en 4 secondes, ce qui n’est pas
possible dans la configuration de l’avion.
- 3 secondes sont
désynchronisées, c’est à dire que les paramètres sont inexploitables.
- et par un hasard
désastreux pour l’enquête, ces 7 secondes manquantes se situent
justement dans la tranche de temps où la remise de gaz normale a dû
être effectuée, si l’on se réfère à un fonctionnement normal de la
radio sonde. Nous verrons plus loin l’importance des données de
cette radiosonde.
De plus :
- on trouve sur le listing des
annotations manuscrites anglophone (ex : « 4 sec to add ».
Pourquoi des indications en anglais alors qu’au CEV la langue employée
est évidemment le français, aucun anglophone ne servant dans ce
service ? Signalons que la langue anglaise est le standard de
communication interne et externe d’AIRBUS.
- il n’y a pas de secondes aux heures
affichées, alors que c’est une donnée normale du DFDR, ce qui
implique une intervention pour supprimer cette donnée. Pourquoi ?
- les coordonnées de l’avion de ce
listing le situe en Zambie !
(toujours signalé par la même main « Geographical position in
Zambia ».
C’est ce brillant enregistrement qui fut
présenté à la DGAC le lendemain matin de l’accident et cela semble
insensé. Pour expliquer tout ce désordre, le CEV a expliqué que ces
anomalies étaient dues à une lecture des paramètres à la vitesse 8,
préconisée par le constructeur FAIRCHILD, c’est à dire 8 fois celle de
l’enregistrement. Ces anomalies auraient disparu le lendemain, lorsque
le DFDR fut relu à la vitesse 2.
Mais cela ne tient pas debout !
Supposons que l’on s’aperçoive dans la
nuit du dépouillement que la vitesse de lecture 8 provoque des
désynchronisations et l’absence de 4 secondes de paramètres.
Selon le CEV, il faut 20 minutes
pour lire sur l’écran les 5 minutes du vol accidenté et 30 minutes
pour éditer les six tomes du vol.
Il est donc inconcevable que les
techniciens du CEV n’aient pas pris le temps de faire cette nouvelle
édition à la vitesse 2, au moins de la dernière minute du vol, avant
la livraison aux autorités le lendemain matin de l’accident,
d’autant plus qu’ils en avaient sorti la première mouture à 06h00.
S’ils l’avaient fait, on aurait eu - peut-être ! - un premier
listing moins folklorique.
Il est de fait aussi que si la
bande avait été volontairement manipulée pour faire apparaître ces
anomalies, le passage de la vitesse 8 à 2 n’aurait rien changé !
On notera le témoignage cocasse de M.
LEJEUNE, Chef du service dépouillement du CEV, qui déclare qu'à la
réception des enregistreurs de cet accident, « nous ne
connaissions pas le type d’avion dont il s’agissait ni de qui il
s’agissait » ! (PV audition Cour d’Appel de Paris 21 novembre
1991). Si l’on devait mesurer la sincérité du chef du service des
enregistreurs du CEV à l’aune de cette affirmation.....
Que fallait-il cacher dans le listing
pour innocenter l’avion ?
Les fraudeurs qui avaient échangé les
enregistreurs authentiques contre des leurres étaient confrontés à un
problème épineux. Si cette substitution s’avérait utile, c’est à dire
s’il y avait quelque chose à cacher pour sauver la réputation de
l’avion, il fallait sortir dès le lendemain de l’accident une version
des listings de paramètres et donc mener une falsification dans la
soirée et la nuit.
Pour satisfaire les contraintes de
temps, il était possible de mener la falsification des paramètres en
trois opérations :
- le soir de l’accident, il
fut édité un listing informatique reproduisant les paramètres DFDR.
Contrairement aux affirmations des enquêteurs, il n’existait aucune
impossibilité technique insurmontable pour modifier ce listing la nuit
de l’accident, de façon à innocenter l’avion.
- une transcription du CVR fut éditée le
soir même de l’accident mais qui ne donnait pas de timing précis de la
fin du vol. L’insertion des heures des différents éléments inscrits
sur la bande fut effectuée quelques jours après l’accident. Les
premières transcriptions faites par le BEA sont au dossier officiel.
- la bande DFDR a eu tout le
temps d’être fraudée, puisqu’elle est restée dix mois hors des mains
de la Justice et que la preuve existe d’une manipulation de cette
bande DFDR durant cette période où officiellement elle ne fut pas
utilisée !
On notera que jusqu’au 6 juin 1989,
pratiquement un an après l’accident, aucune lecture de la bande du
DFDR ne fut faite en présence d’un Officier de Police Judiciaire. A
cette date, on avait eu tout le temps nécessaire pour mener une
fraude.
Durant cette première année, les
seuls témoignages de la trajectoire furent ceux donnés par des
listings dont il existe 5 versions répertoriées par MM. VENET
et BELOTTI.
Le contenu « officiel »
complet de la bande DFDR ne sera dévoilé par les enquêteurs
qu’en 1992, 4 ans après l’accident.
La mise en place de leurres à HABSHEIM,
et le convoyage rapide des enregistreurs authentiques vers une station
de dépouillement permettait de gagner de précieuses heures. Le
dépouillement des données du DFDR a pu avoir lieu environ 8 heures
plus tôt qu’affirmé par la version officielle qui le situe « dans
la nuit suivant l’accident ».
On est en droit de penser que les
dépouillements du DFDR et du CVR, ont été réalisés en parfaite liaison
avec AIRBUS, puisque son Directeur Technique était informé le soir
même, selon ses propres dires !
Comment cette information aurait-elle pu lui parvenir, si l’on s’en
tient à la version officielle selon laquelle le premier listing sortit
à 06h00 au CEV ?
Après la coupure de la bande,
indispensable pour pouvoir la sortir de l’enregistreur, puisqu’elle
est en continu, cette bande est mise en lecture. Après une demi-heure
pour identifier la piste contenant le vol accidenté et y repérer
celui-ci, on peut lire directement les paramètres sur l’écran de
contrôle, seconde par seconde, avec arrêt sur image si nécessaire. Il
est donc très aisé de repérer très rapidement la fin du vol et
d’éditer un listing, qui permet de constater une reprise des réacteurs
dans un délai anormal ou pas.
Si une anomalie majeure existait sur ce
listing, les autorités de la DGAC ont été les premières informées dans
la soirée de l’accident, probablement vers 20h30. Bien entendu, cette
information était aussi transmise à AIRBUS, car l’usage est de
travailler en étroite collaboration entre cette administration et le
constructeur.
La convivialité entre la DGAC et
AIRBUS allait pour l’Administration d’Etat jusqu'à fournir à
l’industriel des documents de navigabilité d’éléments de l’avion,
présignés en blanc.
La DGAC abandonnait ainsi au constructeur sa mission légale de
contrôleur des normes, dont elle était sensée vérifier la production !
Cela fit scandale aux ETATS-UNIS où un
sénateur s’empara de cette affaire, « en accusant la FRANCE de
comportement criminel » pour discréditer à la fois notre pays et
AIRBUS !
Si l’accident était dû à une défaillance
de l’avion, il fallait avant tout se donner du temps et donc
dissimuler cette cause de l’accident dans les listings que l’on allait
être obligé de montrer dès le lendemain à la presse et aux milieux
aéronautiques.
Les anomalies existantes sur le premier
listing peuvent tout à fait être le reflet de cette fraude. Ce listing
est daté du 31 mai 1988, soit près d’un mois avant l’accident ! Lors
de la lecture de la bande originale, on a probablement constaté un
délai de 9 secondes entre le mouvement des manettes et l’obtention de
la poussée, au lieu d'un délai de 4 ou 5 qui aurait été normal.
L’avion est alors hors limites,
puisque selon les normes de certification réglementaires en remise de
gaz, la poussée doit être établie et la pente positive en moins de 7,5
secondes.
Pour dissimuler un retard de 5 secondes
à l’obtention de la poussée, la fraude consiste à déplacer
l’enregistrement du mouvement des manettes des gaz actionnées par le
pilote de 5 secondes en aval sur l’enregistrement du vol.
Cette manipulation permet d’afficher une
version de l’accident montrant un intervalle de 4 secondes entre
l’action du pilote sur les manettes et la reprise des réacteurs.
Bien entendu, cette opération ne se fait
pas sur la bande DFDR originale, car on n’a pas le temps dans la nuit
de l’accident de mener une telle opération. Ce qu’il faut obtenir est
seulement la production d’un listing de paramètres qui donne la
version voulue du fonctionnement de l’avion.
Réalisation de la falsification d’un
listing
Ce rapport n’a pas pour objet de
décrire de façon certaine le processus de falsification qui aurait pu
être utilisé, car nous ne tenions pas la chandelle.
Mais il permet de s’inscrire en faux
contre ceux qui prétendent que techniquement une falsification des
listings n’était pas possible à réaliser en quelques heures.
Il n’était pas difficile de réunir
les moyens techniques nécessaires pour obtenir dans ce délai des
listings de paramètres dûment modifiés et montrant une reprise des
moteurs dans un délai convenable.
Pour ce faire :
- les informaticiens savent tous que les
données d’une bande numérique comme celle du DFDR peuvent être saisies
sur un ordinateur. Pour ce travail, on copie la bande numérique DFDR
originale de ¼ de pouce de large sur une bande informatique de 1
pouce, dont les données peuvent être insérées et exploitées sur un
ordinateur et permettre l’usage d’imprimantes.
- l'utilisation d'un logiciel de travail
(semblable au logiciel « Tools » du commerce) permettait
d’appeler aisément chacun des paramètres à modifier et d’en changer la
valeur. Chaque paramètre de vol est contenu dans un mot informatique
répétitif toutes les secondes d’enregistrement appelé « data frame ».
Il y a 64 mots numériques enregistrés
chaque seconde. Ces mots ont un numéro de code permettant de les
sélectionner sans difficultés pour les appeler et les modifier.
Si par exemple, on veut modifier une
valeur du « N1 command » pour un instant déterminé de
l’enregistrement, il suffit d’appeler la seconde d’enregistrement
concernée et ensuite le mot N°51 de cette seconde. On peut alors
modifier cette donnée à l’aide du clavier de l’ordinateur. Pour les
informaticiens, la modification d’un paramètre dans une seconde
d’enregistrement est ainsi faisable en 15 secondes environ.
Le mouvement des manettes étant
enregistré par le DFDR, on pouvait donc reconstruire les dernières
secondes du vol en décalant ce mouvement des manettes de 5 secondes en
aval sur l’enregistrement et en harmonisant les paramètres pour donner
la cohérence aérodynamique et technique au nouvel ensemble.
Le nouveau contenu sur ordinateur
pouvait ensuite faire l’objet d’édition de listings et dans le cas
présent, ceux-ci pouvaient donner de l’accident une version
radicalement différente de l’accident de celle qui fut vécue.
Les moyens informatiques nécessaires ne
sont pas différents de ceux normalement utilisés par une entreprise ou
administration évoluant dans le milieu aéronautique
Il était également possible
d’utiliser les moyens d’un simulateur
Pour avoir idée des possibilités
qu’offre ce moyen, citons les excellentes performances du simulateur
d’AIRBUS « Iron Bird », qui a servi à mettre au point les
commandes électroniques du A.320 et notamment les simulations de
différentes pannes. Selon un document d’AIRBUS de décembre 1997, 6
millions de pannes diverses ont été explorées, (dont inévitablement le
cas d’une non reprise des moteurs à basse altitude) !
Rappelons les performances de ce type de
simulateur, telles qu’AIRBUS les a décrites dans une publication
interne à cette entreprise :
« Ces simulateurs ont permis la
vérification systématique de toute nouvelle version de logiciel ou de
calculateur, avant que l'équipement ne soit essayé sur avion....
Nous avons rejoué sur simulateur
les conditions dans lesquelles certaines pannes étaient apparues en
vol en faisant varier les paramètres suspectés,
(Ndr : c’est nous qui soulignons) en augmentant localement le degré ou
la finesse de l'instrumentation, on a constitué un réseau de faits
constatés permettant d'isoler rapidement et au moindre coût l'origine
d'une anomalie ».
Il faut aussi préciser que le
simulateur d’essais IRON BIRD est doté d’un enregistreur DFDR.
On conviendra que ce type de simulateur
est capable de beaucoup de choses. Notamment et à l’évidence, il était
possible de sortir des listings des essais effectués et donc de
reproduire sur un listing un vol « corrigé » des anomalies de
l’avion. (Cf : «on peut rejouer certaines pannes apparues en
vol »).
Il aurait donc été techniquement
possible de rejouer sur ce simulateur le cas de HABSHEIM.
Les experts AUFFRAY et
BOURGEOIS ont démontré que le vol accidenté pouvait être reproduit
fidèlement sur le simulateur d’AIRBUS
Dans leur rapport final, ces experts
nous livrent des informations extrêmement intéressantes. Sur le
simulateur d’AIRBUS, et bien que sans expérience sur l’avion, ils ont
réussi à faire des vols simulés de l’accident, qui démontrent que
« les écarts sur la vitesse en fonction du temps sont en général
inférieurs à 1 noeud. Les écarts sur l’altitude sont faibles, +10
pieds au maximum et -5 pieds en moyenne pendant les dernières secondes ».
Ils précisent que « Toutes ces
approches étaient enregistrées comme elles l’auraient été par le DFDR
d’un avion réel ». Ce simulateur est évidemment équipé pour sortir
tous les listings voulus, ainsi que les bandes informatiques de ces
données. Et pour que ce soit bien clair, AUFFRAY et BOURGEOIS
ajoutent : « Le fait que les courbes d’altitude et de vitesse
soient pratiquement conformes aux données issues de l’enregistreur en
fonction du temps montre que l’avion réel s’est bien comporté sur
ce plan comme le simulateur. ».
Pour notre part, nous aurions dit
qu’il était donc aisé de reconstruire le vol accidenté sur un
simulateur !
La falsification des listings
était donc possible en quelques heures
Au vu de ce qui précède, il serait donc
contraire à la vérité de dire qu’il était impossible de mener à bien
en quelques heures une falsification sur des listings.
Dans un tel contexte d'urgence, on
aurait eu peur de se tromper en mettant en place ces modifications
frauduleuses. Pour se donner des « jokers », la nécessité de
créer des désynchronisations de paramètres à l’endroit crucial de la
remise de gaz était un moyen possible de dissimulation. Les erreurs
éventuelles étant ainsi couvertes.
Ces anomalies peuvent être créées par le
même procédé informatique de modification des paramètres décrit
ci-dessus.
L’écran de contrôle de la station de
dépouillement autorise un arrêt sur image toutes les secondes qui
permet de bien repérer les secondes de données que l’on veut
désynchroniser.
Le CVR (Cockpit Voice Recorder)
enregistre les 30 dernières minutes du vol sur une bande analogique
identique à celle d’un Walkman. Les données précédentes sont écrasées
par le dernier enregistrement.
Sa lecture initiale fut faite au BEA
(Bureau d’Enquêtes Accident) à PARIS.
Dans les données enregistrées par le CVR,
outre les voix des pilotes et de la radio, on trouve aussi les
annonces de la radiosonde . Elle donne la hauteur par rapport au sol
de façon digitale sur les écrans des pilotes et également de façon
orale, en annonçant des hauteurs particulières, ce qui évite aux
pilotes de lire leur tableau de bord pour connaître ces valeurs.
Le fonctionnement de la radiosonde est
décrit dans le manuel de vol d’AIRBUS fourni aux pilotes et précise,
entre autres choses, que si la hauteur est maintenue constante (à
quelques pieds près), les annonces de la radiosonde parlante sont
répétées toutes les 4 secondes en dessous de 50 pieds, (« Fifty »
pour 50 pieds, « Forty » pour 40 et « Thirty » pour 30
pieds).
Pour l'enregistrement de HABSHEIM, on
constate les choses suivantes :
- le mouvement des manettes des gaz
déplacées vers l’avant par le pilote quelques secondes avant l’impact
sur les arbres est audible sur le CVR ( bruit « clac - clac
-clac » des manettes). Ce bruit est suivi 0,8 seconde plus tard
par une première annonce « Thirty » de la radiosonde parlante,
qui signale ainsi que l’avion est à 30 pieds, suivie de deux autres,
qui devaient normalement être espacées de 4 secondes entre elles,
selon la logique électronique de cet appareil.
- le bruit de l’impact sur les arbres se
situe 0,7 seconde après la troisième et dernière annonce « thirty »,
et c’est aussi l’endroit où l’on entend la reprise d’un ou des
moteurs.
Selon un fonctionnement normal de la
radiosonde, cela fait donc 9,5 secondes entre l’ordre de remise de
gaz et l’obtention de la poussée (0,8 + 4 + 4 + 0,7).
Or, sur le CVR « officiel »,
ce sont 4 secondes qui séparent la remise des gaz de l’obtention de
poussée. Il manque donc 5,5
secondes par rapport à un fonctionnement normal de la radiosonde.
Où sont elles passées ?
- dès le lendemain de
l’accident, une transcription du CVR est rendue publique, due
vraisemblablement à une indiscrétion d’un fonctionnaire de la DGAC. Du
fait de cette publicité intempestive, le bruit de mouvement des
manettes est donc définitivement situé avant la première
annonce « thirty » et c’est catastrophique.
En effet, pour décaler de 5 secondes en
aval l’enregistrement du bruit de l’avancée des manettes des gaz et
innocenter ainsi l’avion, on serait obligé de placer ce bruit entre la
deuxième et la troisième annonce « Thirty ». Mais les pilotes
de ligne ayant eu connaissance de la version originale, ils auraient
crié à la manipulation si l’on avait procédé ainsi. On ne pouvait donc
plus toucher à cette chronologie.
Pour afficher un délai de 4 ou 5
secondes entre l’ordre pilote et l’obtention de la poussée, il ne
restait que la solution de raccourcir l’espace entre les trois
annonces « thirty », qui passe à 0,9 et 2,1 secondes, c’est à
dire 3 secondes au lieu de 8 (deux fois 4).
Aucune explication ne fut trouvée par
les experts à ce raccourcissement insolite.
De son coté, AIRBUS produisit une
étude qui formulait « une hypothèse » et « proposait »
une explication. Pas très sérieux !
Les experts VENET et BELOTTI ne se sont
pas étonnés de cette « hypothèse » qui « proposait »
une explication, ce qui est singulier pour un fabricant, dont on
aurait pu penser qu’il « produirait » une explication
figurant dans sa documentation, ce qui ne fut pas le cas! Or, nous
allons voir tout de suite qu’il s’agit là d’un point important dans la
construction de falsification.
L'intervalle normal entre la
première et la troisième annonce « thirty » aurait dû être de
8 secondes et non 3.
Le décalage de 5 secondes que l’on
constate entre un fonctionnement normal de la radiosonde et celui
officiel est donc providentiel, car il permet de mettre hors de
cause le fonctionnement de l’avion.
L’explication d’AIRBUS doit être
considérée comme une affabulation de circonstance. Un fabricant ne
peut se contenter de proposer des hypothèses pour un phénomène qui
est éminemment suspect dans une étude de falsification.
Un bon schéma est plus clair qu’une
longue explication et nous reproduisons donc ci-dessous la chronologie
« officielle » et celle de la réalité de cet accident.
-1°) Espacement normal des « thirty » :
- 2°) Falsification des données
de la radiosonde
La modification d’une bande de
CVR
n’est pas une opération
technique difficile
Le CVR enregistre de façon analogique et
non pas numérique. Contrairement aux affirmations des experts, il est
possible de modifier une bande aux données analogiques sans laisser
des traces qui seraient repérées par analyse spectrale.
Si l'on désire réaliser une
falsification, il est indispensable d’assurer la cohérence des
paramètres modifiés entre le DFDR et le CVR. Pour ce faire, il faut
d’abord faire une saisie de l’original du CVR sur un magnétophone
numérique.
Cet enregistrement numérique peut alors
être inséré dans un ordinateur et l’on se retrouve dans la même
situation que pour la modification de la bande DFDR. On peut procéder
aux aménagements nécessaires pour innocenter l’avion, ce qui conduit
notamment à raccourcir les temps entre les trois annonces « thirty »
de la radiosonde, pour les ramener de 8 à 3 secondes entre la première
et la dernière annonce.
Nous avons vu précédemment que ce
recalage était indispensable pour assurer un délai ramené à 4 secondes
entre les « clac-clac-clac » des manettes des gaz que l’on
avance et que l’on entend à l’écoute du CVR et la reprise effective
des réacteurs.
Pour supprimer des secondes
d’enregistrement sur la bande numérique, il faut que le raccordement
des deux parties encadrant cette suppression se situe durant une
période où l’on n’entend que le bruit de fond (bruit de fond stable
avec une composante spectrale bien identifiée). S’il est effectué
correctement, le raccordement sera indécelable.
L’ensemble des quatre pistes du CVR a pu
être ensuite retranscrit de l’ordinateur sur magnétophone numérique,
puis sur un magnétophone analogique semblable au CVR.
On notera que ce procédé est
couramment utilisé pour rénover sur Compact Disk des enregistrements
musicaux anciens. La détection de la fraude devient alors quasi
impossible.
LA FALSIFICATION DE LA BANDE DFDR
Nous allons étudier la possibilité de la
falsification de la bande du DFDR en nous référant à l’expertise menée
en 1992 par des experts-adjoints nommés par le Juge d’instruction. La
critique de cette expertise permettra de construire ensuite le
scénario de la falsification de la bande DFDR.
Expertise de CEV -
SCHLUMBERGER :
statutairement juges et parties
et d’une partialité au service de la thèse officielle
Leur mission était de « de mettre en
œuvre tous les moyens scientifiques les plus développés pour
déterminer l’authenticité et l’intégrité des données fournies par
l’enregistreur DFDR ».
La chose était d’importance, puisque
cette expertise devait suppléer aux carences judiciaires qui
interdisaient toute certitude de l’authenticité des enregistreurs.
Pour cette mission, furent
nommés experts adjoints :
- trois ingénieurs de SCHLUMBERGER,
experts en têtes magnétiques et télémesure. Cette entreprise était le
fournisseur d’AIRBUS, notamment pour les enregistreurs de vol !
- deux ingénieurs du CEV, à qui on
confiait le soin de déterminer si des collègues de leur organisme
n’avaient pas participé à une falsification !
Cette expertise était donc
parfaitement juge et partie
Analyse
de la bande
L’analyse de la bande fut faite par
« Grenat magnéto optique » qui permet de repérer sur une bande
magnétique les données numériques qu’elle contient, sans altérer ce
support. Les informations numériques apparaissent à l’observation
optique de la bande sous forme de traits, semblables à des codes
barres.
Il fut ainsi confirmé qu’aucune
altération n’existait au niveau du splice, (raccordement en
usine des deux extrémités de la bande), du stripper
(zone de frottement sur la bande qui permet de nettoyer les têtes) ou
du sticker, (fenêtre optique de changement de piste).
Mais la vérité oblige à dire aussi que,
du fait des multiples sauts de piste intempestifs et autres anomalies
d’enregistrement signalés par l’expert américain HARMAS, il n’existait
guère de paramètres cohérents dans ces zones et que les conclusions
tirées par les experts étaient donc dépourvues de signification.
Cette étude permit aussi de vérifier une
cohérence de ce qu’on appelle les « offsets ». On appelle
ainsi :
- les décalages des traces horizontales
d’usure laissées sur la bande par le frottement sur les têtes de
lecture et d’enregistrement, du fait des très faibles, mais possibles,
déplacements de la bande d’un passage à l’autre devant ces têtes.
- le décalage d’une piste enregistrée au
passage de la tête d’enregistrement, par rapport à la trace du passage
précédent devant cette tête.
- enfin, cette possibilité d’offset se
produira éventuellement aussi en procédant à un nouvel enregistrement
d’une piste du DFDR à un endroit quelconque de la bande autre que les
points particuliers que sont le « Sticker », ou le « Splice ».
Dans ce cas, on pourra observer éventuellement un
décalage de la piste réenregistrée, à l’endroit où fut commencé cet
enregistrement, par rapport à la trace amont de cette même piste.
On notera que l’existence de ces
offsets est une éventualité et non une certitude.
Des moyens nécessaires à la
falsification, mais dont la mise en place n’était pas une grosse
difficulté, eu égard aux enjeux.
Pour réaliser un nouvel enregistrement
avec des données de paramètres modifiées afin de sauvegarder la
réputation de l’avion, les experts-adjoints postulent qu’il faut avoir
des moyens sophistiqués pour restituer l’historique de la bande et
repérer les endroits voulus sur celle-ci.
C’est assez évident, mais d’une démarche
quelque peu limitée dans sa réflexion ! En quoi la réunion de moyens
sophistiqués serait-elle un obstacle pour ceux qui se sont déjà donné
les moyens d’une substitution des enregistreurs, dans le contexte
d’enjeux économiques majeurs ?
Pour modifier des paramètres du vol
accidenté sur la bande magnétique, l’origine de ces modifications peut
venir, selon eux, d’un simulateur, d’un enregistrement magnétique, ou
d’autres moyens biscornus dont l’étude ne présente aucun intérêt, tant
il est vrai que l’on avait plus simple et efficace.
Les experts-adjoints écrivent que
« Nous considérons qu’il était impossible d’effectuer une
falsification dans un temps aussi court ». Ils se placent ainsi
dans l’hypothèse où l’ensemble des opérations des faussaires aurait
été réalisée dans la nuit suivant l’accident et l’on conviendra avec
eux que c’était tout simplement impossible.
Mais en rester à cette évidence, c’est
un peu court et faire preuve de bien peu d’esprit critique.
Si l’on suppose une falsification,
il faut en admettre la logique complète.
Durant un an, les seules données de
l’accident furent fournies exclusivement par plusieurs versions de
listings et par une bande CVR dont les trois versions étaient
chronologiquement toutes différentes, ce qui signifie qu’au moins
deux d’entre elles étaient fantaisistes, sinon les trois!
D’autre part, les amorces d’origine
inconnue posées sur la bande « officielle » DFDR durant cette
période sont la preuve que celle-ci a bien été utilisée hors de la
vue de la Justice.
Une démarche intellectuelle
rigoureuse impliquait donc que l’on envisageât la participation
d’agents de l’Etat ou indirectement à son service. Nul doute que des
experts qui n’auraient pas été juges et parties n’auraient pas eu
d’états d’âme à suivre cette piste. Nous aurions ainsi disposé d’une
expertise digne de ce nom.
Mais nous avons exposé les obstacles qui
rendaient suicidaire une telle démarche pour les experts désignés.
La réalisation des modifications de la bande DFDR
Les experts adjoints CEV-SCHLUMBERGER
ont envisagé les scénari de falsification suivants :
- coller et remplacer physiquement un
morceau de bande sur la bande originale. Notre appréciation : inepte.
- modifier des paramètres directement
sur la bande. Mais cela laisserait des traces de manipulation
évidentes des « bits » informatique. Nous considérons donc
cette méthode comme impraticable.
- enregistrer la bande sur ordinateur,
la modifier puis réenregistrer la totalité des pistes sur la bande
originale.
C’est cette dernière solution que nous
allons étudier, car elle a laissé des traces qui la confirment. Selon
nous, elle a pu être constituée des opérations suivantes :
- enregistrer la totalité
de la bande DFDR sur un ordinateur, via l’interface informatique
nécessaire.
- modifier les paramètres
nécessaires, comme nous l’avons déjà expliqué dans la
falsification des listings, en prenant garde d’assurer la cohérence
aéronautique et technique de ces paramètres.
- installer une bande
neuve dans le DFDR aux mains de la Justice. La preuve est faite
depuis l’expertise suisse que le boîtier DFDR n’est pas celui de
l’avion, et qu’on y a installé la platine électronique originale.
Cette opération avait pour objet d’éviter toute incohérence de numéros
d’enregistreurs dans les documents de livraison d’AIRBUS à AIR FRANCE.
Le fonctionnement d’une bande dans un
DFDR laisse sur cette bande des stries longitudinales d’abrasion lors
du frottement sur la tête d’enregistrement. Ce sont quasiment des
empreintes digitales qui attestent que la bande a bien tourné dans un
DFDR donné et pendant une certaine durée. Comme l’enquête a montré que
l’historique de l’enregistreur faisait état d’environ 50 heures de
fonctionnement, on va donc faire cette bande neuve pendant cette durée
pour lui imprimer ces marques.
Peu importe ce que l’on enregistre,
puisque les données seront écrasées par l’ultime enregistrement, à
l’exception des stries sur la bande. C’est tout à fait semblable à
l’enregistrement d’un film sur un autre dans un magnétoscope.
- réenregistrer sur la bande
neuve installée dans le DFDR le contenu de la bande originale dûment
modifiée pour innocenter l’avion.
Le DFDR enregistre les paramètres sur 6
pistes parallèles d’une durée de 4h 10 chacune, soit 25 heures au
total. L’enregistrement d’une piste efface ce qui y était inscrit
précédemment. Le changement de piste se fait automatiquement,
lorsqu’un endroit particulier de la bande appelé « Sticker »
passe devant une fenêtre optique. On passe ainsi de la piste 1 à la 2,
etc....
Jusqu'à l’analyse faite en 1992,
4 ans après l’accident par les experts du CEV et de SCHLUMBERGER,
personne n’a eu connaissance au sein de la Justice de ce qui
existait sur les 25 heures d’enregistrement que portait la bande
originale, mis à part les 5 minutes du vol accidenté. Durant la
falsification, on avait donc toute liberté pour triturer sans aucune
contrainte le contenu complet de cette bande!
Et l’on constate effectivement en 1992
que sur les 6 pistes de la bande officielle, il apparaît le plus
parfait désordre, résultant de deux pannes différentes (sauts de piste
intempestifs et pannes d’arrivée de données provenant du FDIU. Ce
dernier appareil est une interface mettant en forme numérique les
données provenant de l’avion pour les envoyer au DFDR.
Ces deux pannes sont impossibles,
puisque les experts VENET et BELOTTI ont fait expertiser ce DFDR
après l’accident par le fabricant américain FAIRCHILD, qui
l’a déclaré aux normes de livraison américaines !
C’est donc bien la preuve d’une
fraude.
Pourquoi utiliser une bande
DFDR neuve ?
Rappelons qu’une bande neuve est livrée
par le constructeur déjà en continu, avec les deux bouts raccordés
selon un procédé propre au fabricant (voir description du « splice »).
On n’a donc qu’à l’installer dans le DFDR. Par contre, pour la
retirer, il faudra la couper.
Lorsque l’on ouvre le DFDR le soir de
l’accident pour en retirer la bande, l’enregistrement de la dernière
seconde du vol se trouve sur la tête d’enregistrement. Pour extraire
la bande du DFDR, on la coupe environ 10 cm après cette tête, afin de
préserver l’enregistrement des dernières secondes du vol.
Avant cette coupure, il existait une
continuité des mots informatique, qui est altérée par le coup de
ciseaux qui va couper certains de ces mots en deux.
Si on réenregistrait les données
modifiées sur la bande originale, il faudrait le faire de telle façon
que la coupure des mots informatiques se situe très exactement
à la coupure de la bande.
Cela nécessiterait une précision de
placement du nouvel enregistrement de l’ordre du micron, impossible à
réaliser. Sur ce point, nous serons d’accord avec les experts qui ont
souligné cette impossibilité. Mais ces mêmes experts ont exclu
l’emploi d’une bande neuve sur un prétexte fallacieux que nous
étudierons plus loin.
C’est pour éviter cet écueil qu'il est
nécessaire d'utiliser une bande neuve. On va reconstituer sur
l’ordinateur les mots informatiques qui apparaissent coupés du fait de
la coupure initiale pratiquée au CEV le soir de l’accident, afin de
leur restituer leur continuité.
Après réenregistrement de ces paramètres
modifiés, on va extraire la bande neuve du DFDR. Il est donc
nécessaire de couper cette bande et donc à nouveau de couper aussi des
mots informatiques, mais cela n’aura aucune importance. On ne verra
pas la trace de deux coupures et comme personne ne sait où se trouvait
cette coupure sur la bande originale par rapport aux points
particuliers (Sticker, Splice, Stripper), ce placement n’aura aucune
importance.
Mise en place de l’ensemble des
pistes sur l’ordinateur
Le point de référence sur l’ordinateur
va être la partie des vols PARIS - MULHOUSE - HABSHEIM, ce dernier
trajet ayant subi les modifications nécessaires. Cet ensemble va être
placé sure la piste 1, qui était peut-être sa position initiale.
Il faut installer ensuite logiquement le
reste des 25 heures que comportent les six pistes de la bande par
rapport à cette référence.
Il y a un problème pour ce complément
des pistes. Si on utilise les vols enregistrés sur la bande originale,
il y a un long travail délicat pour assurer la cohérence de
l’ensemble. En particulier, la coupure de la nouvelle bande n’allant
pas être effectuée au même endroit que sur la bande originale, il
faudrait restituer sur toutes les pistes la continuité des paramètres
à l’endroit de la coupure de la bande originale, comme on l’a déjà
fait pour la piste N°1 où se trouve le vol accidenté.
C’est long et cela oblige à restituer
aussi une continuité logique sur les 25 heures de la bande.
On recherche donc quelles sont les
pannes qui peuvent affecter ce type d’enregistreur et on reconstitue
sur l’ordinateur les effets de deux fausses pannes : les sauts de
piste (panne du DFDR) et la panne d’arrivée des données (panne du FDIU).
Dans la logique des enquêtes accidents
précédentes, où les enregistreurs étaient tenus éloignés de la
Justice, il est probable que cette solution de facilité a été jugée
sans danger, car on n’imaginait pas que l’on irait regarder de très
près des données de la bande qui n’avaient pas de rapport avec
l’accident.
Ces pseudos-pannes permettent la mise en
place sur l’ordinateur de divers morceaux de vol sans avoir à réaliser
une continuité logique. C’est particulièrement utile, puisque l’on n’a
plus à assurer la continuité des paramètres de part et d’autre de la
coupure sur les pistes 2, 3, 4, 5, et 6, à l’endroit de la coupure que
l’on va pratiquer lors de l’extraction de la bande neuve du boîtier
DFDR dans lequel on a réenregistré la nouvelle version.
Cette bouillie pour chat permettra de
masquer le contenu de toutes les fins de pistes à l’endroit de cette
coupure.
L’analyse de la bande effectuée par
les experts, piste par piste, montre que les pistes 3, 4 et 5 ne
comportent aucune information permettant le recoupement de part et
d’autre de la coupure. Seules font exception les piste 2 et 6, où l’on
trouve que l’avion est opportunément au sol, par un hasard heureux,
puisqu’il évite d’avoir à réaliser la continuité de paramètres d’un
avion en vol !
Sur la piste 2, l’avion est au sol à
BERLIN et sur la 6, il est au sol à TOULOUSE. Il n’existe donc aucune
contrainte dans la continuité des paramètres, mise à part celle de
l’heure enregistrée et de la position géographique qui est
opportunément fixe, ce qui facilite grandement la manipulation.
Ces sauts de piste et autres anomalies
étaient donc bien pratiques pour brouiller la recherche de la vérité.
Mais ce qui n’était pas prévu dans cette
organisation de la pagaille, c’est qu’un expert du fabricant américain
viendrait déclarer que le DFDR était impeccable, ce qui ne laissait
pas de place à 3 pannes simultanées et différentes (arrivée des
données, sauts de piste et panne du système d’alarme aux pilotes !).
Il ne restait alors que deux
solutions à cette énigme :
- ou le DFDR et le FDIU s’étaient
réparés tout seuls durant le choc de l’accident, et ce serait une
première mondiale.
- ou bien ces pannes présentes sur
l’enregistrement officiel avaient été créées sur la bande de façon
délibérée.
A chacun de choisir sa préférence !
Remise en place des données de
l’ordinateur sur la bande DFDR
Une fois toutes ces modifications faites
sur ordinateur, il fallait réinstaller l’ensemble sur une bande neuve,
ce qui pouvait se faire comme suit :
- installer une bande neuve dans le
DFDR N° 3237. Cette bande est
fournie par le constructeur déjà collée pour constituer une bande
continue. On la fait tourner pendant environ 50 heures en enregistrant
des données quelconques, pour restituer les traces de stries
horizontales conformes à l’historique de cette bande. Ces données
seront écrasées par l’ultime enregistrement.
- réenregistrer les 6 pistes des
paramètres du vol d’HABSHEIM, avec la version innocentant l’avion.
On va réenregistrer, une par une, les six pistes reconstituées sur
ordinateur vers la bande neuve que l’on aura mise en place dans la
platine de l’enregistreur DFDR N° 3237. Tout se passera comme si le
DFDR recevait les informations d’un avion.
- le début du réenregistrement de la
piste n°1 contenant l’accident s’est logiquement fait au
« Sticker », cette
fenêtre optique qui occupe quelques millimètres de longueur de bande,
(voir croquis des points caractéristiques de la bande au début de ce
chapitre).
En démarrant l’enregistrement sur la
bande neuve à cet endroit, on ne retrouvera pas d’offset au retour de
la bande 4h10 plus tard à ce même endroit (offset : décalage éventuel
de la piste sur la largeur de la bande par rapport au passage
précédent à un endroit).
Pour que ce soit encore plus facile, on
a créé sur ordinateur après le « Sticker » une large zone de 25
minutes de paramètres sans signification (23 mètres de bande !)
permettant de ne pas se préoccuper de cohérence de paramètres à cet
endroit, ou l’on va greffer le contenu du vol PARIS-MULHOUSE-HABSHEIM.
On enregistre aussi les pistes N°2 à 6 à
partir du « Sticker », pour les mêmes raisons que la piste N°1.
Les experts judiciaires adjoints ont eu
l’amabilité de nous préciser que « l’on pouvait commencer
l’enregistrement à un endroit très précis, à une seconde près ».
Le démarrage du réenregistrement au « Sticker » ne posait donc
pas de difficulté
Il est essentiel de se rappeler que
la première lecture de la bande sous le regard d’un Officier de
Police Judiciaire a été effectuée 1 an après l’accident, c’est à
dire un délai qui permettait de mener tranquillement une
falsification.
Dès lors, personne ne peut savoir
ce qui existait sur la bande originale, hormis les 5 minutes du vol
MULHOUSE - HABSHEIM et quelques secondes du vol VENISE - PARIS, qui
avaient été déjà montrés par les listings.
La remise en place de cet ensemble
connu pouvait donc s’effectuer sur la bande neuve à un endroit
indifférent, puisque personne ne connaît officiellement le contenu
de l’original de la bande !
Seule la découverte de la bande
originale permettrait de connaître la réalité des vols qui étaient
enregistrés.
- retirer la bande réenregistrée du
DFDR et mettre des amorces. Il faut pour cela couper à une dizaine
de centimètres après la tête d’enregistrement. Comme sur toute bande
magnétique, on colle ensuite les fameuses amorces à chaque bout, mais
comme cette opération est faite par un informaticien peu au fait des
techniques de dépouillement du CEV, il installe des amorces trop
courtes, de couleur différentes, collées du mauvais côté et avec une
colle définitive, au lieu d’une colle légère permettant d’enlever
l’amorce pour lire ce qu’il y a dessous.
Le nom de cet éminent chercheur et
son adresse ont été communiqués par la défense au Juge d’Instruction,
qui s’est soigneusement gardé de lancer une investigation sur cette
piste.
Validation de la falsification
Le 6 juin 1989, la lecture de la bande
modifiée pouvait se faire sans risques, sous le contrôle de l'expert
judiciaire BOURGEOIS, pas forcément au courant des falsifications et
donc apte à clamer sa bonne foi ultérieurement. L'Adjudant WIATT, le
gendarme de la GTA qui avait saisi les enregistreurs et les bandes le
6 juillet 1988, était aussi là et attestait d’une lecture faite en
présence d'un Officier de Police Judiciaire.
Cependant, cet OPJ n’apposa pas les
scellés sur la bande dépouillée et ne constata pas l'état réel de ceux
restitués par l'expert AUFFRAY. Il a été ensuite nommé Chef de la
brigade de GTA de l'aéroport de TOULOUSE-BLAGNAC.
Etant donné les possibilités de
falsification que nous démontrons, comment pourrait-on désormais
affirmer que la bande étudiée par les experts CEV-SCHLUMBERGER était
l’originale ?
Quant aux preuves
« scientifiques » d’une non falsification avancées par les
experts, un peu de bienséance s’imposait.
Pour les experts du CEV et de
Schlumberger, réaliser le scénario de falsification était impossible :
c’est faux
Les experts du CEV-Schlumberger ont
récusé le scénario de la falsification, tel que nous l’avons exposé,
en présentant diverses objections :
1 ère objection :
« la bande utilisée pour faire la copie ne pouvant pas être neuve
(présence d’offset sur les autres pistes 2 à 6), aurait nécessairement
subi des enregistrements avec un autre enregistreur possédant une
autre tête d’enregistrement que celle du DFDR 3237( NdR : celui de
l’accident). Or notre analyse magnéto optique ne révèle pas de
signature d’une tête d’enregistrement différente de celle montée dans
le DFDR 3237 ».
Notre réponse :
- a) la platine électronique du DFDR
original était parfaitement disponible pour effectuer la
falsification . Il n’est donc pas surprenant que l’on retrouve la
trace du DFDR N° 3237 sur la bande qui a été prêtée par l’expert
AUFFRAY à on ne sait qui!
Le raisonnement des experts semble
pertinent, et on comprend qu’il ait impressionné les Juges! Mais une
expertise qui aurait voulu envisager sérieusement la thèse
d’une falsification aurait dû proposer également une autre solution
qui serait venue démolir ce brillant exposé.
Les experts CEV-SCHLUMBERGER ont refusé
d’envisager l’hypothèse de l’implication de certains services
administratifs dans la falsification et n’ont donc pas pris en
considération la solution dans laquelle c’est bien la platine
électronique du DFDR 3237 aux mains du Tribunal qui aurait été
utilisée pour mener à bien les travaux des faussaires.
Personne ne conteste que les boîtiers
aux mains de la Justice sont munis des platines électroniques
authentiques.
Il est établi aussi que l’expert
AUFFRAY a gardé les boîtes et les bandes durant 10 mois par devers lui
et personne ne conteste que le numéro du DFDR qu’il a détenu est le
N° 3237. La présence d’amorces d’origine inconnue sur la bande DFDR
permet d’établir de façon incontestable que cette bande a bien été
utilisée.
On ne saisit donc pas pourquoi il
aurait été besoin de recourir à une autre platine, puisque l’originale
était disponible, d’autant plus aisément que les scellés étaient
brisés.
- b) la présence d’offset sur les
pistes 2 à 6 signalée par les experts était aisée à obtenir par un
enregistrement de données quelconques durant les 50 heures
correspondant à l’historique du DFDR.
Peu importait ce qui était enregistré,
puisque l’enregistrement ultime effaçait tout ce qui était
précédemment inscrit.
- 2éme objection :
« la bande utilisée pour faire une copie aurait dû avoir une longueur
identique à l’originale, à quelques microns près ».
Notre réponse :
a) la longueur de la bande est
sans importance
L’argument des experts est d’allure
« scientifique », mais il n’est destiné qu’à tromper les Juges.
Les experts VENET et BELOTTI ont écrit que :
« l’expert américain HARMAS a indiqué
que la longueur des bandes peut varier de plusieurs dizaines de
centimètres en fonction de la tension de la bande, de la température
et du nombre d’heures d’utilisation ».
Ceci rend ridicule l’affirmation
des experts-adjoints. Personne n’est en mesure de mesurer une bande
de 136 mètres au micron près et de plus cette mesure n’aurait servi
à rien puisque dans la journée suivante, cette longueur aurait
changé !
- b) le replacement sur la bande
de la version modifiée des paramètres ne posait aucun problème « de
précision au micron près »
Nous avons vu que la bande fourmillait
de données erratiques mises en évidence par l’expert américain HARMAS
et aussi les experts CEV-SCHLUMBERGER qui ont étudié cette bande 3 ans
après la falsification.
Dans ce contexte, le réenregistrement
pouvait se faire sans difficultés à un endroit qui n’était pas celui
initial, puisque personne ne connaissait « officiellement » le
contenu de la bande jusqu’en 1992, 4 ans après l’accident !
En faisant leur deuxième objection, les
experts-adjoints se placent dans l’hypothèse où c’est la bande
originale aurait recueilli les données falsifiées. Dans ce cas, nous
avons déjà vu qu’il existait effectivement un problème insoluble :
celui de replacer des mots informatiques déjà coupés par la première
extraction à l’endroit exact de la coupure.
Nous avons montré que cette objection
devenait infondée si c’était une bande neuve qui était utilisée.
3éme objection : il
était impossible de reproduire le ralentissement du DFDR
La lecture de la bande par
« grenats magnéto optiques» permet d’observer un phénomène de
ralentissement du DFDR dans ses deux dernières secondes de
fonctionnement, lorsque l’avion s’enfonce dans les arbres.
Les experts adjoint objectent qu’il
était impossible de reproduire ce ralentissement dans une
falsification.
Notre réponse :
La fréquence du courant de bord fourni
par les alternateurs est stabilisée et le moteur du DFDR tourne donc à
vitesse constante. Quand les moteurs ralentissent considérablement en
ingérant des feuillages, les alternateurs déconnectent à 50% du régime
compresseur et le DFDR va s'arrêter.
Selon les experts de CEV-SCHLUMBERGER,
durant deux secondes, le moteur du DFDR va ralentir de 3% environ,
pendant que les données qui lui sont transmises arrivent avec une
vitesse normale, du fait d’une régulation interne du DFDR moins
sensible aux variations de fréquence.
Sur une même longueur de bande, on va
donc retrouver plus de données que d’habitude et ceci aboutit à un
phénomène de compression des paramètres durant deux secondes, c’est à
dire sur un peu moins de 2 cm de bande.
Pourquoi pas ?
Pouvait-on reproduire ce
phénomène dans une falsification ?
Notre réponse est oui.
L’interface informatique qui a permis de
saisir la bande originale sur une bande de travail ne retransmet pas
ce ralentissement.
Pour le reproduire lors du
réenregistrement sur le DFDR des données falsifiées, il suffit de
faire varier la fréquence d’alimentation du moteur du DFDR de façon
identique à celle qui a entraîné le ralentissement dans les arbres et
pendant le même temps.
Cette opération va se faire avec la
bande neuve installée dans le DFDR.
Pour ce faire, il faut mettre en place
dans le circuit d’alimentation en courant électrique du moteur du DFDR
un boîtier électronique capable de fournir cette variation de
fréquence, ce qui est aisé à réaliser. Ensuite, il faut piloter cette
variation de 3% de la fréquence durant 2 secondes, car la vitesse du
moteur qui entraîne la bande est proportionnelle à la fréquence.
Cette manipulation est impossible à
piloter à la main. On va donc utiliser l’informatique, en programmant
un logiciel qui va lancer l’ordre d’action et réduire la fréquence de
3% pendant 2 secondes Le top départ sera fourni par l’arrivée de
certaines valeurs de paramètres simultanés, correspondant à la seconde
voulue et qui permettra d’identifier le moment ad-hoc de lancement de
cette opération.
Mais dira-t-on : pourquoi dans le cas
d’une falsification reproduire ce phénomène de compression dont on
n’avait officiellement pas connaissance ? Tout simplement parce que
l’on a compris que Michel ASSELINE et d’autres pilotes de ligne ne
sont pas disposés à avaler des couleuvres. Dès septembre 1988, le
Président du Bureau AIR FRANCE du SNPL a demandé que les enregistreurs
soient étudiés dans des laboratoires indépendants de l’Etat et il y
avait donc un risque d’investigations poussées, éventuellement à
l’étranger.
Les affirmations des experts VENET et BELOTTI sur
« les preuves scientifiques » d’une non falsification reposaient
sur les expertises que nous venons de critiquer, et essentiellement
sur celle de CEV-SCHLUMBERGER, dont nous venons de montrer le
caractère fallacieux.
Dès lors, que reste-t-il de l’authentification des
données de la bande DFDR, assenées comme des vérités par le dossier
d’instruction ?
Des enregistreurs dont il est prouvé qu’ils ont été
substitués. Des paramètres dont de multiples faits établis montrent
qu’une falsification a bien été menée.
Et pourtant ce sont ces éléments qui ont servi à
formuler les jugements concernant Michel ASSELINE.
LES PREUVES SUFFISANTES DE LA
FALSIFICATION
PREUVE : fait, raisonnement, qui
démontre la vérité ou la réalité de quelque chose. (LAROUSSE)
La substitution étant
désormais un fait incontournable, nul doute que l’on entendra dire,
ici et là, que certes, il y eut cette malheureuse opération,
regrettable, mais qu’il était impossible qu’une falsification ait été
menée. D’ailleurs, dirons ceux là, les expertises judiciaires ont
montré que les bandes de paramètres étaient vierges de toute
falsification.
Ceux-là étaient les mêmes
qui affirmaient urbi et orbi qu’aucune substitution n’avait été menée.
Toute levée de bouclier
sur la probité des uns et des autres serait indécente dans une affaire
où la décision de tricherie fut prise à un haut niveau. Qu’on arrête
de prendre les Français pour des demeurés.
En fin de ce document, nous constatons
les faits suivants :
- Les enregistreurs ont
été interceptés et mis hors du circuit judiciaire normal, ce qui
impliquait immédiatement après l’accident une volonté de fraude. Sans
quoi cette substitution n’avait pas lieu d’être organisée.
- puisque les boîtiers
des enregistreurs aux mains de la Justice ne sont pas ceux de l’avion,
il était impossible de retrouver sur ceux-ci des traces de liquide
hydraulique et de produits d’extinction de l’avion accidenté.
- si ces produits
d’extinction ont pu atteindre les boîtiers, il n’est pas possible que
les fumées ne les aient pas atteints également. Dès lors, on devait en
retrouver les traces chimiques à l’expertise.
- si les amorces de la
bande DFDR ne sont pas les mêmes que celles initiales, cela confirme
l’utilisation finale d’une autre bande, sur laquelle on a posé de
nouvelles amorces.
- les analystes du CEV
ont déclaré que les accélérations de l’avion ne marquaient aucune
anomalie. C’était faux et ils ne pouvaient l'ignorer.
- il est impossible qu’un
DFDR soit expertisé après l’accident comme étant dans les normes de
livraison aux clients de son fabricant et que la bande
« officielle » qui a tourné dans cet appareil avant l’accident
présente les stigmates de trois pannes différentes.
- la preuve a été
apportée que la bande vidéo officielle avait été falsifiée.
- il n’est pas possible
de se trouver sur un avion à la vitesse de décrochage avec une
incidence qui correspond à une vitesse supérieure de 15kt à cette
vitesse de décrochage.
- la probabilité pour que
l’on trouve sur un CVR une indication de mauvais fonctionnement de
radiosonde inconnue du constructeur et qui innocente
providentiellement l’avion relève des chances du gros lot du LOTO.
Surtout si cette panne intervient justement à l’endroit contesté d’une
remise de gaz au moment d’un crash célèbre.
- la poussée était
dissymétrique, comme en attestent les saignées faites par les moteurs
à des hauteurs différentes dans les arbres. Dès lors, on aurait dû
retrouver la trace de cette dissymétrie sur les paramètres du vol.
- la disparition
inexpliquée sur le DFDR d’une alarme qui aurait dû être enregistrée et
que l’on entend parfaitement sur le CVR est tout à fait cohérente avec
une falsification. Si cette disparition avait résulté d’une panne,
celle-ci aurait été perçue par l’expert américain HARMAS.
Ces faits sont inscrits
dans l’enquête officielle qui a été menée et sont donc
incontournables. Ils forment selon nous un ensemble suffisamment
complet et cohérent pour pouvoir affirmer qu’ils constituent les
traces qui n’ont pu être dissimulées d’une falsification qui a bien
été entreprise.
Bien entendu, la
preuve absolue ne pourrait être apportée que par la comparaison avec
la bande originale. Mais si on a organisé une interception des
enregistreurs, c’est justement pour que cette preuve formelle ne
puisse pas être apportée !
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